Le patron de Swiss a-t-il jubilé trop tôt? En décembre dernier, Dieter Vranckx s'était bruyamment réjoui de l'accord conclu avec Kapers, le syndicat du personnel de cabine. Un compromis avait aussi été trouvé avec le personnel au sol et les pilotes. Tous les conflits semblaient donc réglés, ce qui lui laissait présager un avenir sans nuages pour sa compagnie.
Mais c'était compter sans un nouveau problème. Un conflit de génération pourrait lui mettre du plomb dans l'aile, montre une enquête de Blick. En effet, les hôtesses et stewards ont jusqu'à la mi-février pour voter sur la nouvelle convention collective de travail (CCT). Une majorité des deux tiers est nécessaire pour son adoption. Normalement, il ne s'agit que d'une simple formalité. Pourtant, l'accord est sur la sellette à cause des employés les plus expérimentés.
Les plus âgés s'opposent à la nouvelle CCT
Les hôtesses de l'air et les stewards plus âgés s'opposent aux augmentations de salaire substantielles que leur cheffe syndicale, Sandrine Nikolic-Fuss, a négociées en automne. Celle-ci prévoyait que les salaires augmentent de 4 à 18%. Or, concrètement, les employés de longue date devaient obtenir 4%. Et les nouveaux arrivants... 18%. Leurs salaires passeraient ainsi de 3400 à 4000 francs.
Cette grande différence suscite l'incompréhension. Les agents de bord de longue date de Swiss se sentent abandonnés par le syndicat Kapers, déplorent-ils auprès de Blick. Certains d'entre eux volaient déjà à l'époque de Swissair et reçoivent le même salaire depuis 2006. Ils estiment mériter mieux, confient-ils, surtout après avoir dû traverser la crise du coronavirus.
Mais aujourd'hui, seuls les nouveaux arrivants grimpent dans la grille des salaires – grâce à la forte augmentation de salaire de 18%, ils rejoignent le niveau des hôtesses de l'air confirmées. Et les attentes n'ont pas non plus été satisfaites en matière de flexibilité.
Dans la cabine, les agents de bord de longue date ne se gênent plus pour faire connaître leur point de vue. Oui, nombre d'entre eux refuseront la CCT d'ici à la mi-février.
Beaucoup de frustration dans les médias sociaux
La responsable syndicale Sandrine Nikolic-Fuss est consciente que le vote n'est pas gagné d'avance. «Les discussions animées sont normales dans une phase de votation, assure-t-elle. Nous regrettons toutefois le ton acerbe utilisé sur les réseaux sociaux.»
En effet, des vagues de haine submergent les comptes Instagram et Facebook. Sur le canal du syndicat Kapers, plusieurs hôtesses de l'air et stewards ont pris publiquement position contre la nouvelle CCT.
«Ce super paquet trompeur est monté pour obtenir les votes des jeunes collaborateurs au moins», peut-on y lire. Ou encore: «L'accepter signifie aussi un oui à la discrimination par l'âge, à plus d'heures bloquées dans le modèle de travail à temps partiel, pour un salaire presque identique - non merci!»
Interrogée par le Blick, la compagnie Swiss écrit: «Si, contre toute attente, la nouvelle CCT pour les cabines devait être refusée, la CCT15, qui n'est actuellement pas dénoncée et qui est donc encore valable au moins jusqu'au printemps 2024, continuerait de s'appliquer.» La compagnie aérienne refuse d'en dire plus et renvoie à la phase de concertation en cours.
Les souffrances du personnel de cabine
Une chose est sûre: la frustration est grande. L'accord passé en décembre était pourtant attendu depuis longtemps. Le personnel de cabine de Swiss s'était régulièrement adressé au public pour se plaindre de salaires trop bas et de conditions de travail difficiles.
Une hôtesse de l'air de Swiss avait fait des révélations à Blick sur la vie à l'intérieur de la cabine, avant de prendre une retraite anticipée. «Je n'avais plus de plaisir à faire mon travail, déplorait-elle. Les conditions de travail pendant la pandémie m'avaient fait perdre toute envie de voler.»
Des actions de protestation ont eu lieu à plusieurs reprises. Une première fois, le personnel de cabine s'était collectivement fait porter pâle. Une autre fois, des hôtesses de l'air et des stewards ont envoyé une lettre de protestation à Blick, faisant état de burn-out.
Rappelons également que 300 employés de cabine avaient été licenciés en raison de la pandémie. Avant qu'un peu plus de la moitié d'entre eux ne soient rappelés au début de l'année 2022. La compagnie va-t-elle au-delà d'une nouvelle période de turbulences?