Un business à 23 milliards qui se sent au-dessus des lois
Cette élue verte déclare la guerre à Temu, Shein et compagnie!

Elles réalisent des milliards de bénéfices par an, mais passent entre les gouttes de la loi suisse… Les plateformes de vente en ligne, notamment chinoises, semblent inattaquables. La conseillère nationale vaudoise Sophie Michaud Gigon, écologiste, lance une offensive.
Publié: 19.06.2024 à 06:05 heures
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Dernière mise à jour: 19.06.2024 à 07:48 heures
Sophie Michaud Gigon, conseillère nationale lausannoise et écologiste, lance une offensive contre les lucratives plateformes de vente en ligne étrangères, qui se sentent au-dessus de la loi suisse.
Photo: KEYSTONE/DR
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

C'est la guerre entre les plateformes de type Temu, Shein et la Fédération romande des consommateurs (FRC)! Il faut dire que ces géants chinois donnent l'impression d'être au-dessus des lois. La conseillère nationale vaudoise Sophie Michaud Gigon a décidé d'endosser le rôle de David et lance une offensive contre Goliath.

L'écologiste, secrétaire générale de la FRC, a déposé deux interpellations et une motion pour réguler les sites faisant l'apologie de la «fast fashion», sous différents angles. «Commander en ligne sur ces plateformes présente des risques pour les acheteurs, leurs données, leur sécurité et leurs portemonnaies», résume la conseillère nationale. 

«Monsieur Temu» suisse

Premier point: quand le paquet arrive tout abîmé, le service client est inexistant. C'est le but, entre autres, de la motion déposée par Sophie Michaud Gigon, le 13 juin: implanter un «Monsieur» Temu, ou une «Madame Temu», en Suisse. 

«Il faudrait que ces plateformes de vente en ligne, implantées à l'étranger, ait un représentant légal chez nous, appelle de ses vœux l'élue verte. En cas de litige, un contact auprès duquel les clients puissent obtenir des réponses, sans triangulation, développe la politicienne. Et à qui les autorités puissent s’adresser en cas de non-respect de la loi.»

La robe est trop grande? À la poubelle

Les pratiques usuelles de ces marques ont de quoi dresser les poils des moins écolos d'entre nous. Dans le meilleur des cas – soit, s'il existe –, le service client rembourse l'article défectueux ou la robe trop grande. Et le renvoi? Pas besoin, il faut juste jeter l'article à la poubelle.

«C'est, par ailleurs, un business de la surproduction et donc de la surconsommation, déplore l'élue. L'impact social et écologique est un problème, le transport, les déchets. L'un dans l'autre, il faudra aussi retrouver une forme de raison.» 

Sophie Michaud Gigon, conseillère nationale vaudoise verte.
Photo: KEYSTONE

Un représentant local suffira-t-il? «Il y a plusieurs axes d'action possibles et nécessaires, précise Sophie Michaud Gigon. Le représentant permettra de rééquilibrer un petit peu l'asymétrie et faciliter les démarches dans la relation contractuelle», espère-t-elle.

Méthodes douteuses pour faire acheter n'importe quoi

La secrétaire générale de la FRC regrette que le Conseil fédéral ne s'empare pas du problème avec plus de poigne. «On ne devrait pas laisser des acteurs étrangers dominer un marché en étant déloyaux, tance-t-elle. La croissance de ces fournisseurs étrangers a bondi de 10% en Suisse. Les commandes Temu ont atteint 23 milliards de francs en 2023! Ce marché ne peut pas passer entre les gouttes vu l'ampleur qu'il prend.»

Pourquoi ça fonctionne tellement bien? Ces plateformes utilisent des dark patterns, des interfaces conçues pour donner (très) envie de dépenser son salaire en jupes à fleurs ou en raclettes de douches. C'est d'ailleurs une offre Temu qui apparaît en premier lorsqu'on tape ce dernier objet sur Google.

95% des jouets vendus sur Temu sont dangereux

La qualité de ces produits inquiète aussi Sophie Michaud Gigon. Un test européen sorti en février dernier a montré que 95% des jouets vendus par Temu présentaient un risque pour les enfants! Dans son interpellation début juin, l'élue verte demande au Conseil fédéral d'inclure la vente en ligne dans le projet de régulation des plateformes de communication, confié au Département de la communication.

Pour parler clairement, le collège gouvernemental a décidé, en avril dernier, de mieux surveiller Facebook, Instagram et compagnie. Mais pas les plateformes d'e-commerce. «Il y a une loi sur les services numériques en Europe, mais en Suisse, pas encore, regrette la conseillère nationale. Il faut attirer l'attention du Conseil fédéral. Ces entreprises doivent aussi respecter le droit suisse, comme la loi contre la concurrence déloyale, pour la protection des données, ou l’indication des prix.»

Coincés à l'époque romaine

Le plan d'attaque est complété par une interpellation, déposée fin mai, qui concerne la livraison cette fois. Sophie Michaud Gigon se demande s'il n'est pas temps de faire évoluer le code des obligations. «C’est vrai que le commerce en ligne nous fait aussi réfléchir au cadre légal sous plusieurs angles, confirme-t-elle. Le code des obligations stipule toujours que dès que l’acheteur a payé, il assume le risque.»

L'élue ironise: «Quand on achetait des moutons au marché, c’était logique. Mais depuis l’époque romaine, les habitudes ont bien évolué.»

Enfin, la FRC a dénoncé Temu et Shein au Secrétariat d'État à l'économie, et participe à une action européenne contre le premier. La plateforme est pointée du doigt pour ses méthodes manipulatrices. 

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