Un biologique explique
«Si rien n'est fait, les loups seront bientôt dans les villages»

Les loups s'adaptent facilement à leur environnement. Ils risquent de devenir de plus en plus aventureux, explique le biologiste Marcel Züger. Des limites doivent être fixées au plus vite avant que la situation ne soit hors de contrôle.
Publié: 02.09.2021 à 14:02 heures
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Dernière mise à jour: 09.09.2021 à 09:04 heures
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On estime à 80 le nombre de loups qui vivent en Suisse.
Photo: Keystone
Aline Wüst, Jocelyn Daloz et Alexandre Cudré (adaptation)

Un safari en Suisse, ça vous intéresse? Au lieu de lions, vous y verriez un prédateur local: le loup. C’est ce qu’a récemment suggéré le patron du tourisme des Grisons avec une certaine ironie.

Des randonneurs l’ont d’ailleurs testé pour vous, malgré eux, dans la vallée du Piz Beverin: un groupe a été suivi par une meute de loups durant un certain temps, avant qu’ils ne disparaissent dans la nature.

Cela change la donne

Ce qui aurait pu rester une anecdote change pourtant la donne. Pour la première fois, les loups ont été en contact non pas avec des agriculteurs ou des bergers, mais avec de simples randonneurs.

Six meutes de loup vivent dans les Grisons. Ils ont tué 248 animaux en 2020. Cette année, pour l’instant, le compteur en est à 164. La meute de Beverin, dont faisaient partie les loups rencontrés par les randonneurs, est la plus surveillée. L’aire de répartition de cette meute s’étend du flanc oriental du Valsertal au Heinzenberg en passant par le Safiental et, au sud, au Rheinwald en passant par la Schams.

Comme une bande d’ados

Les loups ne sont-ils pourtant pas censés être méfiants et sortir seulement de nuit? Marcel Züger, biologiste à l’EPFZ, dirige une agence écologique et vit à Salouf, dans les Grisons.

Il connaît bien les loups de la meute de Beverin. Il a passé plusieurs nuits sur les alpages où ils opèrent et n’a jamais eu peur d’eux. «La meute de Beverin peut être comparée à un groupe d’adolescents, une bande de jeunes», dit-il. Ceux-ci testent les limites de leur territoire et vont aussi loin qu’ils peuvent jusqu’à tomber sur de la résistance.

Durant des milliers d’années, explique-t-il, la méfiance était leur seul moyen de survivre car ils étaient chassés. Aujourd’hui, celle-ci n’est plus forcément à leur avantage. «Ce sont ceux qui osent qui font le monde», dit malicieusement le biologiste de l’EPFZ. Dans tous les cas, les animaux sont plus aventureux. Les renards, blaireaux et autres martres qui errent dans les villes en sont la preuve.

De plus en plus audacieux

Lorsque les loups réalisent qu’ils n’ont rien à craindre des humains, ils deviennent de plus en plus audacieux. Mais cela peut rapidement tourner. «Si les loups apprennent qu’ils peuvent atteindre leurs objectifs facilement en étant agressifs, ils le font», dit-il en ajoutant: «Si rien n’est entrepris, les loups viendront bientôt jusque dans les villages.»

Les loups de Beverin considèrent les humains comme des intrus sur leur territoire. Mais pas en tant que proie. «Le danger d’une attaque du loup contre les humains est très faible», indique Marcel Züger. Le danger n’est pourtant pas inexistant. «Si un randonneur perd son sang-froid et s’enfuit devant lui, cela pourrait déclencher en lui des pulsions de prédateur», alerte le (statut).

Cependant, les loups peuvent déjà mettre en danger la vie des chiens se déplaçant avec leurs maîtres sur leurs zones de chasse.

«Il faut agir avant que la situation ne s’aggrave»

Une bergère d’un alpage grison a en effet constaté que les loups de la meute de Beverin ont attaqué des chiens ces dernières semaines. Elle-même est tombée deux fois sur des loups.

La première fois, l’un d’eux était à une distance d’environ dix mètres et lui a grogné dessus. La deuxième, trois loups sont soudain apparus et ont attaqué son chien. Elle a agi de manière exemplaire les deux fois, attirant l’attention sur elle d’une voix forte et faisant fuir les loups. Le chien va bien.

Demande de tir effectuée auprès de la Confédération

Pour le canton, ces incidents vont trop loin et une ligne rouge a été franchie. Une demande de tir concernant trois jeunes loups et leur père a fait l’objet d’une demande auprès de la Confédération.

Marcel Züger est en faveur des tirs. Il y voit deux avantages: l’effet d’apprentissage et la sélection génétique. Les loups plus aventureux disparaissent et les timides survivent. «Une gestion stricte du loup est le seul moyen d’intégrer celui-ci dans notre paysage culturel», dit-il.

Il prévient que, le cas échéant, la situation dans les cantons de montagne s’aggravera tôt ou tard. «Si l’on arrive jusque-là, il faudra commencer à éliminer les loups dans leur ensemble», prévient-il.

Fixer des limites au plus vite

Onze meutes vivent actuellement en Suisse. Selon Marcel Züger, le territoire permet facilement d’accueillir jusqu’à quinte d’entre elles, mais bien réparties dans le pays.

«L’Uetliberg serait un territoire parfait pour les loups», dit-il en faisant référence à cette montage aux alentours de Zurich. Ils pourraient élever leurs petits dans des ravins et faire leurs incursions à partir de là.

«Il est important de fixer des limites», indique cependant le scientifique. «Sinon, les loups promèneront bientôt dans la ville de Zurich et se nourriront des restes de McDonald’s dans la rue et risquent même de manger des chats.»

Il est donc important de fixer des limites pour le loup dans les Alpes déjà, avant que les loups arrivent aux portes des villes, conclut Marcel Züger.

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