Milad Ahmadi* a froid. Ces jours-ci, l'hiver s'est abattu sur Kaboul. La nuit, la température dans la capitale afghane descend en dessous de zéro. Ce presque trentenaire dort dans un appartement vide. Les fenêtres sont en partie cassées, il n'y a pas de chauffage. «Je suis seul et j'ai peur. Je veux rentrer en Suisse», nous écrit-il via Whatsapp.
Il y a deux mois encore, ce jeune Afghan vivait dans un centre d'asile pour réfugiés déboutés dans le canton de Berne. En 2015, il était entré en Suisse en tant que mineur. Trois ans plus tard, les autorités ont rejeté sa demande. Et c'est à ce moment qu'il a pété les plombs.
Expulsion après une bagarre
Alors qu'il jouait au football, Milad Ahmadi a frappé un autre réfugié à terre et lui a donné un coup de pied à la tête. Cette agression n'a pas eu de conséquences graves. La victime a souffert d'hématomes et d'écorchures au visage, mais pas de blessures sérieuses. Le tribunal régional bernois a condamné l'Afghan à une peine de prison avec sursis de 16 mois pour tentative de lésions corporelles graves.
Depuis que le peuple a accepté l'initiative de l'Union démocratique du centre (UDC) sur le renvoi en 2010, un tel jugement entraîne automatiquement une expulsion du pays. Mais Milad Ahmadi est resté en Suisse. Les renvois vers Kaboul n'ont pas été possibles pendant plusieurs années. D'abord à cause du Covid, puis en 2021 à cause de la prise de pouvoir des talibans islamistes. A la Confédération, on a répondu: «Une exécution forcée n'est pas possible pour des raisons opérationnelles. Entre autres, la sécurité des policiers accompagnateurs ne peut pas être garantie.» La volonté politique a-t-elle fait défaut?
Changement de cap
Mais récemment, le ministre de l'asile Beat Jans a ordonné un changement de cap. Comme l'a rendu public Blick, la Suisse a expulsé fin septembre, pour la première fois depuis 2019, deux Afghans condamnés vers leur pays d'origine, dont Milad Ahmadi. Après l'Allemagne, la Suisse est le deuxième pays d'Europe à procéder à nouveau à des renvois forcés vers Kaboul. Les ONG critiquent vivement cette pratique, car les personnes expulsées risquent d'être torturées et persécutées par les talibans – ce qui n'est pas compatible avec le droit international.
Des policiers ont placé Milad Ahmadi dans un avion de la Turkish Airlines à destination d'Istanbul (Turquie). Une fois sur place, des agents de sécurité l'ont accompagné jusqu'à Kaboul. «Nous avons affaire à des criminels qui posent un problème pour la sécurité publique de la Suisse», a déclaré Vincenzo Mascioli, le vice-directeur du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM).
Mais quelle est la dangerosité de Milad Ahmadi? Depuis Kaboul, il nous confie. «J'ai fait une grave erreur en 2018, que je regrette. Mais je ne suis pas un danger.» L'avocat bernois de l'Afghan, Ismet Bardakci, dément lui aussi. «Mon client ne représente absolument aucun danger pour la sécurité publique. Il s'agissait d'une bagarre ordinaire avec des poings et des pieds, au cours de laquelle personne n'a été grièvement blessé.» Hormis cet incident, Milad Ahmadi se serait toujours bien comporté en Suisse.
«Pas de marge d'appréciation»
Le jeune Afghan n'a pas passé un seul jour en prison pour son acte en Suisse. Il n'a jamais été considéré comme une menace politique ou religieuse. La «Wochenzeitung», qui a également couvert l'affaire, a récemment titré: «Motif d'expulsion: Sacrifice d'un pion.» Le journal reprochait au SEM de vouloir simplement faire preuve de fermeté avec ces renvois délicats afin de marquer des points dans le débat public sur la politique migratoire.
Mais le SEM se défend. Pour des raisons de protection des données, il ne veut certes pas entrer dans les détails. Mais l'exécution d'expulsions ordonnées par un tribunal est une mission légale pour laquelle il n'existe «aucune marge d'appréciation».
Trois expulsions forcées
Selon les informations de Blick, la Confédération a fait une évaluation de la situation avant l'expulsion de Milad Ahmadi. Elle est arrivée à la conclusion qu'un renvoi était justifiable. L'examen a moins porté sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan que sur le risque d'une double peine – c'est-à-dire que Milad Ahmadi, après avoir été condamné en Suisse, soit à nouveau puni par les talibans. Selon la Confédération, ce risque n'existe pas.
En ce qui concerne une éventuelle persécution par les talibans, la porte-parole du SEM Magdalena Rast déclare: «S'il y a un risque concret de violations graves des droits de l'homme en cas de retour, le rapatriement forcé n'est pas autorisé.» Dans ce cas, aucune expulsion n'est ordonnée. Le SEM a toutefois organisé 50 renvois volontaires depuis 2022 et entre-temps trois expulsions forcées, sans qu'aucun incident ne se soit produit à l'arrivée en Afghanistan.
Milad Ahmadi est certes en liberté à Kaboul, mais sa situation se ressent «comme une prison», se plaint-il. Par peur des islamistes, il ne sort presque jamais. «Les talibans ont tué des membres de ma famille quand j'avais neuf ans.» Une information impossible à vérifier.
Pour l'aider à reprendre le cours de sa vie, le jeune homme aurait reçu 500 francs des autorités suisses avant son départ. Mais selon ses propres déclarations, il aurait refusé l'argent – pour protester contre son expulsion. C'est ainsi que Milad Ahmadi a atterri à Kaboul avec seulement 90 francs. Il n'a toujours pas de travail et la pauvreté règne dans le pays.
20 autres délinquants bientôt expulsés?
En Suisse, Milad Ahmadi n'avait pas le droit de travailler. En Afghanistan, il vendait des produits alimentaires dans la rue avec son père lorsqu'il était adolescent. «J'ai emprunté 300 francs à une connaissance», écrit-il.
Son seul objectif est de quitter Kaboul le plus rapidement possible, de préférence pour rentrer en Suisse. Dans son cas, cela reste un vœu pieux. Sa demande d'asile ayant été rejetée, il n'aurait que peu de chances en cas de deuxième tentative. Et l'expulsion de la Suisse est enregistrée dans tout l'espace Schengen.
La Confédération considère par contre son renvoi comme un succès. Et plusieurs de ses compatriotes devraient bientôt suivre. Selon le SEM, il y a actuellement 20 criminels afghans menacés d'expulsion dans le pays.
* Nom modifié