Le vol de Zurich à Kaboul via Istanbul coûte près de 1500 francs avec Turkish Airlines. Bien que les voyages vers la capitale afghane ne soient pour beaucoup qu'à quelques clics de souris, les expulsions vers cette destination n'y étaient plus possibles depuis des années.
La dernière expulsion de condamnés afghans date de 2019. Entre temps, il y a d'abord eu la pandémie de Covid-19, puis la prise de pouvoir des talibans. Les raisons de la suspension des renvois vers Kaboul étaient simples: «Une exécution forcée n'est pas possible pour des raisons opérationnelles. Entre autres, la sécurité des policiers qui les accompagnent ne peut pas être garantie.»
L'Organisation suisse d'aide aux réfugiés observe la situation en Afghanistan d'un œil critique: la situation des droits de l'homme n'a cessé de se dégrader depuis la prise de pouvoir des talibans en août 2021, écrit l'ONG sur son site internet. «La situation des femmes et des filles en particulier est précaire.»
L'Allemagne a expulsé 28 Afghans en août
Cependant, la montée des populistes de droite en Europe a fait monter la pression pour expulser également vers le pays des talibans. Après avoir perdu deux élections régionales en Allemagne de l'Est, la ministre de l'Intérieur allemande du Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD), Nancy Faeser, a dû agir – et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle a livré la marchandise. Fin août, elle a affrété à la dernière minute un avion de Qatar Airways et a expulsé 28 Afghans. Le message adressé à la population allemande: «Je vous ai compris!»
En Suisse aussi, cela en a fait réfléchir plus d'un. «Ce que l'Allemagne peut faire, la Suisse peut le faire aussi», a déclaré début septembre à Blick Damian Müller, un politicien du Parti libéral-radical (PLR) en charge des questions d'asile. Selon lui, le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) devrait immédiatement prendre contact avec Berlin afin de déterminer comment la Suisse pourrait renvoyer des Afghans à Kaboul.
Si le conseiller fédéral du Parti socialiste (PS) Beat Jans, en charge du dossier, n'a pas proposé de solutions, Damien Müller a annoncé une intervention. Mais le public ignorait une information capitale: le SEM préparait déjà les premiers renvois vers Kaboul. Ceux-ci ont désormais eu lieu.
Tolérance zéro pour les délinquants graves
Vendredi, le SEM a informé les cantons de l'expulsion. Selon les informations de Blick, il s'agit de deux Afghans condamnés par un jugement définitif et qui ont été récemment expulsés hors du pays dans un vol de ligne.
«Les Afghans expulsés sont des délinquants graves», confirme le sous-directeur du SEM, Vincenzo Mascioli. Pour des raisons de protection des données, le SEM ne fournit aucun détails sur les crimes qu'ils ont commis. Il explique simplement: «Nous avons affaire à des délinquants qui représentent un problème pour la sécurité intérieure de la Suisse. Pour les délinquants graves, la tolérance zéro est de mise.»
Ces premières expulsions depuis 2019 étaient en quelque sorte un projet pilote. Le SEM considère qu'il s'agit d'un succès et souhaite désormais expulser «le plus rapidement possible» tous les Afghans ayant commis des délits graves.
Selon les informations de Blick, 13 Afghans gravement criminels sont encore en Suisse. Vincenzo Mascioli ne peut pas dire quand ils seront expulsés: «Cela dépend de différents facteurs, sur lesquels nous n'avons parfois aucune influence.»
Renvoyé dans un vol de ligne
Le SEM ne veut pas révéler de détails sur les renvois «pour des raisons tactiques». Selon les informations de Blick, il est possible que les deux criminels afghans aient été expulsés vers Kaboul par un vol de ligne de la Turkish Airlines, via Istanbul.
Les précédentes expériences du SEM avec cette compagnie aérienne s'étaient bien déroulées. C'est notamment le cas de rapatriement vers Mogadiscio, en Somalie. De plus, le SEM dispose d'un collaborateur à Ankara qui peut soutenir le renvoi vers Kaboul depuis le sol turc.
500 francs d'argent de poche
Il est probable que les deux Afghans aient été accompagnés par des policiers cantonaux suisses lors de leur vol vers Istanbul. Ceux-ci se seraient assurés dans la zone de transit que les Afghans montaient effectivement dans l'avion pour Kaboul.
L'accompagnement par des policiers cantonaux suisses jusqu'à Kaboul n'est pas possible pour des raisons de sécurité. La Suisse ne peut pas y garantir la sécurité de ses fonctionnaires.
Avant le départ, les deux Afghans ont reçu 500 francs d'argent de poche en espèces de la part des autorités suisses. «Cela sert à couvrir les besoins directement après l'arrivée», précise le SEM. Après l'Allemagne, la Suisse est désormais le deuxième pays d'Europe à procéder à des renvois forcés vers Kaboul.
Du mouvement à Athènes, aucun à Rome
Un tournant dans la politique migratoire fédérale se manifeste également dans d'autres domaines. Jeudi, le conseiller fédéral PS Beat Jans a échangé avec ses collègues européens à Luxembourg: les Etats au nord des Alpes augmentent la pression sur l'Italie et la Grèce, qui n'appliquent pas la procédure Dublin depuis des années et ne traitent donc pas les demandes d'asile dans le premier pays de l'UE que les réfugiés atteignent.
«Nous attendons de tous les Etats, y compris de l'Italie, qu'ils respectent les règles», explique Vincenzo Mascioli, sous-directeur du SEM. Selon lui, Athènes a bougé ces derniers temps: «Dès que nous aurons des jugements juridiquement valables, nous pourrons à nouveau transférer des cas Dublin vers la Grèce en 2025.»
L'Italie, en revanche, s'obstine. Une rencontre prévue mardi entre Beat Jans et son homologue transalpin Matteo Piantedosi a été annulée à la dernière minute. Berne et Rome cherchent maintenant une date de remplacement. Selon Nino Galetti, directeur de la fondation allemande Konrad Adenauer à Rome, il ne faut pas s'attendre à des concessions de la part du gouvernement de Meloni: «L'Italie estime qu'elle en fait déjà assez pour les réfugiés et que les pays riches doivent en faire plus.»
Bureau de la DDC à Kaboul : ouverture reportée
Alors que le conseiller fédéral Beat Jans marque des points dans le dossier afghan, la directrice de la Direction du développement et de la coopération (DDC), Patricia Danzi se démène pour l'ouverture prévue d'un bureau de la DDC à Kaboul. Pour la deuxième fois consécutive, Patricia Danzi a dû repousser l'ouverture. Le bureau devait être inauguré cet été, puis il a été question de l'automne – désormais, on parle d'une ouverture au plus tôt en 2025.
Les retards sont apparemment dus à des problèmes de sécurité: le DFAE indique que le dispositif de sécurité à Kaboul doit faire l'objet de clarifications supplémentaires. «La sécurité du personnel du DFAE est une priorité absolue, c'est pourquoi ces clarifications sont effectuées avec le soin et le temps nécessaires.»