Dans la paisible vallée de Conches, en Valais, un projet de construction de tous les superlatifs fait couler beaucoup d'encre. L'entrepreneur Jean-Claude Bregy souhaite ouvrir une gigantesque station d'hiver à Obergesteln, dans le Haut-Valais.
Son plan? Construire près de 130 appartements, des restaurants capable d'accueillir 80 personnes, un grand centre de bien-être, une salle de fitness et même... des lacs artificiels. Le tout avec un objectif principal: générer 100'000 nuitées par an. Baptisé «Resort Obergoms», ce projet doit permettre à Jean-Claude Bregy et ses deux partenaires de frapper un grand coup et de transformer à jamais le visage de ce petit village de 200 habitants.
En janvier dernier, l'investisseur a officiellement présenté son projet face aux habitants de la région, aux propriétaires de résidences secondaires et au conseiller d'Etat Christophe Darbellay. Il a ainsi expliqué vouloir donner un nouvel élan au tourisme dans le Haut-Valais et a promis à ce titre que les appartements ne seraient pas vendus, mais seulement loués.
La résistance s'organise
Mais en réalité, Jean-Claude Bregy souhaite que le «Resort Obergoms» fonctionne comme un hôtel. Ses partenaires et lui prévoient donc d'y installer une multitude de lits. Ce faisant, il s'agirait de résoudre l'un des principaux problèmes de la région, à savoir le faible taux d'occupation des appartements à l'année, et les souci qui en découlent au niveau des revenus.
Seulement voilà, le projet est loin de faire l'unanimité. Et désormais, des voix s'élèvent pour le contester. C'est notamment le cas de l'Inspection générale des finances (IGF) qui a interpelé le conseil municipal au sein d'une lettre ouverte que Blick s'est procurée en exclusivité.
L'IGF est principalement composée de propriétaires de résidences secondaires qui craignent que ce complexe ne détruise l'âme de la commune d'Obergesteln et de la région de Haute-Conches. «La vallée de Conches n'est pas synonyme d'hôtellerie de luxe trop chère, qui a détruit ailleurs l'âme des destinations de vacances», écrivent-ils.
Ne pas répéter le fiasco de Davos
Les vacanciers apprécieraient précisément cette région pour sa tranquillité et son cadre naturel authentique. «Bien sûr, un développement en douceur et adapté aux besoins est nécessaire et souhaitable, mais un [projet tel que ] Resort Obergoms, surdimensionné, réduira à néant notre caractéristique unique et fera peut-être aussi fuir nos chers habitués». En bref: le projet est trop grand et trop luxueux.
Les critiques se demandent en outre si le projet est viable. «La vallée de Conches ne risque-t-elle pas de se retrouver au final avec des ruines de bâtiments vides?», écrivent les membres de l'IGF.
En guise d'exemple, ils citent l'échec d'un projet similaire dans la station grisonne de Davos: «Il a fait faillite dès la première saison. Les boulangeries, les boucheries, les artisans ainsi que la commune de Davos elle-même et ses contribuables en ont fait les frais.» Les opposants au projet «Resort Overgoms» veulent précisément éviter que ce scénario catastrophe ne se répète en Valais.
«Pas d'architectes compétents en Valais?»
L'IGF souhaite en outre savoir si la commune est consciente des dégâts financiers que pourrait entraîner l'échec d'un tel projet. «Que se passerait-il si le groupe d'investisseurs devenait insolvable pendant la construction pour quelque raison que ce soit?», lit-on dans la lettre. «Avez-vous également clarifié ce qu'il adviendrait du complexe en cas de faillite après sa mise en service?»
Les propriétaires de résidences secondaires craignent par ailleurs que le capital investi ne profite pas réellement au tissu local. «D'après le site web du projet, on veut créer de nouveaux emplois et collaborer avec le commerce local: alors pourquoi les développeurs du projet travaillent-ils avec un bureau d'architectes de Lucerne et avec l'EPFZ?», écrivent-ils. Et de demander: «N'avons-nous pas d'architectes et de bureaux d'ingénieurs compétents en Valais?»
Evacuations en raison du risque d'avalanche
Les opposants au projet doutent enfin de la capacité de la commune à faire face à une augmentation massive du nombre de vacanciers. Ils citent notamment les évacuations massives organisées dans les années 70 et 80 en raison de risques d'avalanche. «Comment la commune peut-elle évacuer un centre de vacances complet, ses hôtes et son personnel en cas de nouveau danger de ce type? Et où ces personnes seront-elles mises en sécurité?»
En attendant, le projet suit son cours, en dépit des critiques. Le terrain sur lequel les immeubles doivent être construits appartient depuis plusieurs années déjà à Jean-Claude Bregy. La zone, elle, est déjà constructible. Mais pour ce qui est des lacs artificiels et du paysage lacustre, il faudra une adaptation, qui sera probablement votée cette année.
Actuellement, les initiateurs du projet peaufinent les derniers détails avec la commune et le canton et Jean-Claude Bregy se donne jusqu'à mi-2026 pour déposer une demande de permis de construire.