Trop d'agriculteurs achètent des champs à bas prix de l'autre côté de la frontière
Les politiciens allemands veulent stopper cette injustice

Les agriculteurs suisses achètent des terres à bas prix dans la région frontalière allemande – et rapportent leur récolte en Suisse sans payer de droits de douane. Des parlementaires allemands expliquent à Blick comment ils veulent mettre un terme à cette pratique.
Publié: 10:01 heures
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Sabine Hartmann-Müller (CDU), députée du Land de Bade-Wurtemberg: «La colère des agriculteurs allemands ne diminue pas!»
Photo: zvg
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Sven Altermatt

Un vieil accord rend l'air lourd de l'autre côté de la frontière: les agriculteurs et agricultrices suisses achètent des terres agricoles allemandes et profitent de conditions avantageuses – tandis que leurs collègues du pays voisin en ont pour leurs frais. Depuis 1958, les agriculteurs des deux pays peuvent ramener des marchandises d'une bande frontalière de dix kilomètres de large dans leur propre pays et les vendre chez eux sans payer de droits de douane.

Problème: aujourd'hui, seuls les suisses bénéficient de la situation. La raison, la différence de prix importantes entre les deux pays. En effet, les légumes et céréales se vendent à des prix nettement plus élevés en Suisse. Parallèlement, les champs en Allemagne sont plus facilement accessibles aux agriculteurs suisses puisque ces derniers ont des revenus plus élevés. 

Alors forcément, les agriculteurs suisses font de bonnes affaires: ils peuvent cultiver leurs légumes en Allemagne à des coûts de production plus bas, les importer en Suisse sans payer de droits de douane et les vendre ici à des prix beaucoup plus élevés. Inversement, il ne vaut guère la peine pour leurs collègues allemands d'exploiter des surfaces en Suisse. Les agriculteurs suisses exploitent plus de 5700 hectares dans le voisinage allemand. Dans le sud de l'Allemagne, le terme peu charmant d' «accaparement des terres», («occupation du territoire») est devenu familier pour désigner cette évolution.

La colère des agriculteurs allemands

Les politiciens allemands montent au créneau et souhaitent mettre des limites aux paysans suisses. Le député de l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne (CDU) au Bundestag Felix Schreiner, et sa collègue de parti Sabine Hartmann-Müller, membre du Landtag de Bade-Wurtemberg, s'attaquent au sujet. Felix Schreiner prévoit de le remettre à l'ordre du jour en tant que président du groupe parlementaire germano-suisse, tandis que Sabine Hartmann-Müller fait pression au niveau régional.

La ville de Stühlingen, à la frontière du canton de Schaffhouse, est particulièrement concernée. Récemment, elle s'est à nouveau entretenue avec des agriculteurs, explique Sabine Hartmann-Müller au Blick. Son constat: «La colère des agriculteurs allemands ne diminue pas!»

Stopper une tendance

Dans la région frontalière allemande, le nombre d'agriculteurs indigènes ne cesse de diminuer, constate-t-elle avec inquiétude. «C'est l'objectif de la politique allemande de stopper cette tendance.» Selon elle, les agriculteurs suisses ont un net avantage économique. La politicienne considère «l'accès inégal au marché» comme un problème central. Celui-ci est dû à la limitation des quantités imposée par l'ancien accord douanier.

Les agriculteurs allemands ne peuvent importer en Suisse qu'une centaine de kilos de leurs produits par jour en franchise de droits de douane et de taxes. «Pour les agriculteurs suisses qui produisent leurs produits sur le sol allemand, il n'existe pas de limitation quantitative analogue», déplore la politicienne. 

Les Allemands demandent ces mesures

Les parlementaires souhaitent une adaptation de la situation actuelle, demandant à ce que les agriculteurs allemands puissent à l'avenir importer leurs produits en Suisse aux mêmes conditions – et profiter ainsi également de prix plus élevés.

Selon la politicienne, des contrôles de prix plus restrictifs ou des contrôles sur place lors de l'exploitation sont envisageables. En outre, le thème doit être ancré dans la «stratégie suisse» actualisée du Bade-Wurtemberg. Mais surtout, elle espère de nouvelles règles pour protéger le marché foncier agricole. Ou mieux encore: une réforme de l'ancien accord.

Des amis, pas des ennemis

L'accord date d'une autre époque, explique Sabine Hartmann-Müller. «Nous l'avons dépassée depuis longtemps: la période d'après-guerre est tout de même terminée, les voisins suisses sont des amis dont nous ne voudrions plus nous passer.»

Son objectif premier est de maintenir les bonnes relations de voisinage. Elle mise sur la coopération et non sur la confrontation. Sabine Hartmann-Müller est consciente que le terme «occupation du territoire» pourrait être perçu de manière controversée en Suisse. Elle souligne qu'il ne s'agit pas d'insinuer que les agriculteurs suisses «obtiennent illégalement ou par des moyens déloyaux les terres situées du côté allemand».

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