Il y a exactement 90 ans, à Genève, l’Armée suisse ouvrait le feu sur une manifestation ouvrière contre le fascisme initiée par le Parti socialiste. Ce 9 novembre 1932, 13 personnes meurent, 65 sont blessées.
Montée du fascisme et du nazisme en Europe, crise économique, grandes tensions entre la gauche et la droite, … Pour la Jeunesse socialiste suisse (JSS), le contexte de 1932 ressemble à celui de 2022.
Conséquence: le 19 novembre, les déléguées et délégués de la JSS devraient adopter une résolution «antifasciste et antimilitariste», annonce en primeur à Blick leur vice-président, le Genevois Thomas Bruchez. «Tant le militarisme que le fascisme permettent de maintenir le capitalisme en place et de préserver l’État bourgeois par la force répressive et la violence haineuse», assène le document.
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Au bas de ce texte, plusieurs revendications. Parmi lesquelles, la création d’un service étatique chargé d’observer les agissements de l’extrême-droite et la mise en place de programmes de resocialisation pour les délinquants néonazis, comme il en existe déjà en Allemagne, précise Thomas Bruchez. Rien à voir avec les camps de rééducation du communiste Mao Zedong en Chine à la fin des années 1960, coupe-t-il. Interview.
Face à l’inflation, la crise énergétique, l’augmentation des primes d’assurance maladie, combattre l’extrême-droite, c'est vraiment la priorité?
Il ne faut pas hiérarchiser les thématiques. C’est précisément dans le contexte actuel que la lutte contre l’extrême-droite doit aussi devenir une priorité. Les fascistes sont capables de se nourrir des situations de crise économique parce qu’ils peuvent nommer des boucs-émissaires, comme les étrangers, les féministes et les personnes homosexuelles ou trans.
Le militantisme d’extrême-droite pose-t-il véritablement un problème en Suisse?
On parle toujours de ce qui se passe chez nos voisins, en France, en Italie ou Allemagne, mais on oublie que chez nous, un parti d’extrême-droite, anti-féministe, islamophobe, homophobe, transphobe et climatosceptique gagne les élections depuis 2003.
Vous voulez parler de l’Union démocratique du centre (UDC). Conservateur, très à droite, ce parti n’est pourtant pas fasciste ou néonazi.
Le discours de l’UDC donne des ailes à des groupuscules fascistes et néonazis de plus en plus décomplexés. Les groupes Junge Tat et Résistance helvétique ont pris la tête de manifs anti-mesures Covid à Genève et à Berne. Plus récemment, des membres de Junge Tat ont manifesté contre un événement où des drag-queens lisaient des histoires à des enfants à Zurich, avant de revendiquer l’action à visage découvert! C’est grave et il est urgent d’agir.
Vous demandez la création d’un service étatique spécialisé pour surveiller l’extrême-droite. Pourtant, le Service de renseignement de la Confédération (SRC) considère l’extrême-gauche comme plus dangereuse que l’extrême-droite…
Ce n’est pas étonnant de la part du SRC, mais c’est inquiétant. L’extrême-droite réunit des groupes haineux qui sont une menace directe et physique pour les minorités et la démocratie. A l’inverse, la gauche porte des valeurs égalitaires et solidaires. Ce sont les fascistes qui sont dangereux, pas les antifascistes!
En clair, à quoi ressemblerait ce service étatique?
Ce serait un service de l’administration fédérale entièrement dédié à l’observation — dans les limites du cadre légal actuel — des milieux d’extrême-droite. On pourrait aussi imaginer qu’il serve à identifier des leaders et des membres de cette mouvance. En clair, nous demandons une prise au sérieux de cette menace.
N’est-ce pas déjà ce que fait le SRC?
Nous voulons un service dédié uniquement à l’extrême-droite, qui n’ait pas de rôle répressif. Nous demandons aussi de plus grands financements pour les travaux de recherche et les études sur le sujet.
Vous proposez par ailleurs un programme de «resocialisation des délinquants d’extrême-droite». Ça ne vous fait pas un peu penser aux camps de rééducation du communiste Mao Zedong à la fin des années 1960 en Chine?
Non. L’idée n’est pas de rééduquer, mais de casser les spirales de la radicalisation et d’offrir une porte de sortie à celles et ceux qui se retrouvent dans les griffes de ces groupuscules fascistes à tendance sectaire.
Concrètement, comment faudrait-il s’y prendre?
C’est difficile à dire, à ce stade. Il faudrait mettre en place un programme assez complet qui permettrait à l’Etat de suivre les extrémistes de droite à leur sortie de prison, pour éviter qu’ils ne redeviennent actifs. Plus généralement, il s’agirait aussi d’accompagner les personnes qui souhaitent quitter ces groupuscules. De tels programmes existent déjà en Allemagne, par exemple. La Suisse pourrait s’en inspirer.
Le Parti socialiste est en train de préparer la succession de Simonetta Sommaruga. Le Zurichois Daniel Jositsch compte se présenter contre l’avis de la direction du parti, qui souhaite présenter deux femmes. En tant qu’homme, il s’estime discriminé. Vous le soutenez?
Daniel Jositsch est absolument ridicule! Sa candidature est inacceptable. Avec Alain Berset, il y a déjà un homme socialiste au Conseil fédéral. De plus, dans l’histoire, il y a très peu de femmes au gouvernement. Toute cette affaire de pseudo-discrimination nous empêche de nous concentrer sur l’essentiel: choisir les deux femmes qui seront les candidates socialistes.
La Jeunesse socialiste suisse a-t-elle déjà une favorite?
Non, nous allons attendre de voir qui se propose. Nous voulons une femme bien marquée à gauche.