Il avait donné rendez-vous à la presse à 13h. Il s'est présenté pile à l'heure, un peu nerveux. «Est-ce que vous êtes tous là?», a interrogé Daniel Jositsch.
Après un hommage à Simonetta Sommaruga, le Zurichois a abordé d'emblée la question de la représentativité de genre au Conseil fédéral. L'actuel conseiller aux États socialiste sait très bien qu'il s'est mis beaucoup de monde à dos dans son parti en refusant le ticket 100% féminin.
Daniel Jositsch était d'ailleurs à la séance de la direction du parti où cette stratégie a été décidée. Et il s'est déjà à ce moment-là opposé à ce qu'il considère comme une discrimination. Elle va à l'encontre de la Constitution, insiste le professeur de droit pénal.
«Une question de principe»
«Notre groupe est libre de présenter deux femmes. Je suis candidat, et j'invite les hommes intéressés à l'être aussi», a déclaré ce mardi le socialiste. Cela va peut-être à l'encontre des souhaits de la direction du parti, mais c'est une question de principe, a-t-il insisté.
Comment réagira-t-il s'il ne figure pas sur le ticket final du PS? «C'est le jeu. Je fais usage de mon droit de me porter candidat, et si je ne suis pas sur le ticket choisi, je l'accepte. Ce sont les règles.» Mais pas question de se faire évincer avant la procédure officielle de candidature. Le conseiller aux États est très déterminé: si on l'empêche dans son plan, il se réserve toutes les éventualités, même celle d'une candidature sauvage.
Pour Daniel Jositsch, il est logique de miser sur deux femmes sur le ticket. Mais écarter les hommes est inacceptable, selon lui. Il faut dire qu'on attribue au Zurichois des velléités de Conseil fédéral depuis très longtemps. «Je pense que je ferais bien le travail», s'est-il contenté de commenter ce mardi devant la presse. Avant d'ajouter: «Mais je peux très bien vivre sans être conseiller fédéral.»
Contre la direction du PS
Quid des déclarations du coprésident du PS Cédric Wermuth, qui a déclaré à Blick qu'il ne comprendrait pas que le ticket socialiste ne soit pas exclusivement féminin? Daniel Jositsch s'est entretenu plusieurs fois par téléphone avec l'Argovien. «Je ne le prends pas personnellement», a-t-il assuré. S'agit-il néanmoins d'une candidature contre l'avis de sa présidence de parti? «On peut le comprendre ainsi. Parce que c'est le cas.»
Le Zurichois ne veut néanmoins en aucun cas nuire à son parti, à ses dires. Mais le fait que plusieurs voix veuillent l'interdire de se porter candidat l'a irrité, a-t-il avoué. «On ne peut tout simplement pas tolérer une telle injustice», a tonné le professeur de droit.
Malgré cette annonce, Daniel Jositsch n'est pas encore officiellement candidat: il doit patienter jusqu'au 18 novembre pour connaître son sort. C'est en effet dans dix jours que le Parti socialiste doit définir les critères. Si les hommes sont acceptés, alors le sénateur sera officiellement sur les rangs. Dans le cas contraire, tous les scénarios sont possibles.
«J'ai déjà 57 ans»
Ce passage en force est-il un quitte ou double de la part de Daniel Jositsch? Des journalistes l'ont interrogé sur le fait qu'il puisse se «griller» alors qu'Alain Berset pourrait bien libérer son siège dans un futur proche. «L'âge moyen d'un conseiller fédéral à son entrée en poste est de 53 ans. J'en ai 57 et je ne peux pas attendre plus longtemps», a-t-il avoué.
Le Zurichois a aussi été interrogé sur un éventuel départ du PS, au cas où le ticket féminin est entériné. L'exemple de Francis Matthey, un Neuchâtelois qui avait été mis sous une telle pression qu'il avait dû renoncer à son élection, a du reste été cité. «La situation n'est pas comparable. Mais en aucun cas je ne changerais de parti», a-t-il rétorqué. Un retrait est toujours possible, mais pour être candidat à un mandat, il faut le soutien d'un parti, a rappelé Daniel Jositsch.
Et s'il était élu «sauvagement» au Conseil fédéral? Le candidat qui n'est pas encore candidat a quelque peu botté en touche, s'en prenant au système. Cette mode des tickets de parti n'est pas optimale, selon lui. Indépendamment de son cas personnel, il s'est toujours engagé pour des candidatures libres. L'encadrement de ces élections par les parlementaires et les partis va trop loin.
Un ticket «2+1»?
Le salut de Daniel Jositsch pourrait venir de son «camarade» du Conseil des États, Roberto Zanetti. Le Soleurois veut ouvrir le ticket du PS aux hommes. Une option «2+1» avec le Zurichois serait alors possible. «Ce serait très bien, comme ça notre parti peut tout à fait assumer une préférence féminine. Et si je suis élu face à deux femmes, alors on ne pourra pas dire que je prends la place des femmes.»
Quels arguments pourraient pencher en sa faveur? «Je possède une solide expérience, tant dans ma carrière qu'au Palais fédéral. Je suis très résistant et j'arrive parfaitement à agir sous pression et dans les situations difficiles.» Le 18 novembre sera peut-être une occasion de le montrer.