Les députés fribourgeois ont suivi vendredi, par 59 voix contre 36 sans abstention, l'argumentaire du Conseil d'État, qui les invitait à invalider l'initiative. Le débat entre la gauche et la droite a été néanmoins très vif, avec de nombreux intervenants. Une proposition de renvoi en commission a été rejetée par 59 voix contre 37.
Selon l'exécutif cantonal, l’initiative n’est pas conforme au droit supérieur. La Constitution fédérale stipule en effet que les «prix payés par les usagers des transports publics couvrent une part appropriée des coûts».
Un avis de droit de l’Office fédéral des transports (OFT) parvient aux mêmes conclusions que le gouvernement fribourgeois. Aux yeux de l’expert qui s’est penché sur la question, la gratuité ne peut être admise que pour un groupe d’usagers clairement limité, les touristes ou les écoliers par exemple.
Objectifs généraux «louables»
La commission ad hoc du législatif qui a étudié l’initiative déposée en décembre 2020, avec plus de 7100 signatures, 6000 étant requises, a émis la même recommandation. Elle s'est ainsi alignée, par sept voix sur onze, sachant que le Grand Conseil dispose d'une nette majorité de droite, à l'analyse de l'exécutif cantonal d'août dernier.
Au-delà, le Conseil d'État qualifie de louables les objectifs généraux poursuivis par l'initiative. Il dit vouloir poursuivre sa politique de développement de l’offre de transports publics afin d’atteindre les objectifs de mobilité durable et de report modal de son plan directeur cantonal et en faveur du climat.
Mandat interpartis pour continuer l'effort
L'invalidation votée vendredi ne signifie pas la fin du dossier dans le canton. En effet, un mandat interpartis a été déposé la semaine passée pour demander à l’État de prévoir une enveloppe budgétaire d’au moins un million de francs par an afin d’offrir des réductions sur les transports publics aux personnes à bas revenu.
«Compte tenu de la position de la commission, nous nous sommes retroussé les manches pour que l’initiative ne soit pas simplement reléguée aux oubliettes», a déclaré le député socialiste Grégoire Kubski, cité dans «La Liberté». Les mandataires ont en quelque sorte rédigé une forme de contre-projet à l’initiative.
Le mandat «montre que la volonté des initiants est prise en considération par l’Etat de Fribourg», écrit le groupe d'élus. Les initiants, les Jeunesses de gauche, ont aussi la possibilité de faire recours contre l’invalidation de leur initiative. Non sans quelque espoir. Un arrêt pourrait alors faire jurisprudence.
Solidarités, l'un des initiants, a réagi en parlant de déni démocratique sur un «enjeu essentiel» du point de vue social et environnemental. L'argument utilisé par les autorités pour invalider le texte est une «véritable tromperie». Le parti critique également le mandat déposé par ce qu'elle appelle la «gauche institutionnelle».
La même question se pose ailleurs
Le questionnement fait d'ailleurs aussi débat dans d'autres cantons romands. À Neuchâtel, le Conseil d'État a indiqué pas plus tard qu'en février avoir lui aussi demandé un avis de droit sur la conformité de l'initiative cantonale pour la gratuité des transports publics à l'OFT.
Dans le canton de Vaud, une initiative cantonale similaire a récolté plus de 17'000 signatures, alors que 12'000 étaient nécessaires. Soutenue par le POP et Solidarités, elle a été déposée en janvier. À Genève, les Jeunesses de gauche ont annoncé à la mi-mars le lancement d'une initiative constitutionnelle cantonale en ce sens.
(ATS)