Les revenus des spécialistes de la santé font à nouveau couler beaucoup d'encre. La Radio télévision suisse (RTS) a révélé lundi que certains médecins enregistrent un chiffre d'affaires de plus de 1,5 million de francs par an. Santésuisse, faitière des assureurs, pointe du doigt un système Tarmed complètement dépassé. Yannis Papadaniel, responsable santé à la Fédération romande des consommateurs (FRC), nous éclaire sur les aberrations les plus évidentes de ce système tarifaire.
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Des évolutions techniques pas prises en compte
Introduit en 2004, le système de tarification Tarmed n'a connu depuis aucune révision totale par le Conseil fédéral. Pourtant, aujourd'hui, grâce aux progrès techniques, certains actes peuvent être réalisés plus rapidement. À titre d'exemple, une opération des yeux au laser qui ne dure que quelques secondes est facturée pour 15 minutes, le temps nécessaire il y a 20 ans en arrière.
Le responsable santé de la FRC prône plus de transparence de la part des cabinets médicaux et des hôpitaux, de façon à fixer un prix au plus près de la réalité. «Le temps, c'est une chose et il faut qu'il soit adapté, mais il faudrait que les acteurs consentent à nous dire combien ils ont investi dans le matériel pour réaliser des interventions plus rapides, précise-t-il. Entre le temps et le coût de revient, on aurait la possibilité de fixer le prix juste.»
Les journées de travail peuvent durer plus de 24 heures
Les traitements sont remboursés selon des critères de durée remontant à deux décennies. Les interventions médicales peuvent alors s'enchainer et donner lieu à des situations absurdes. Avec le système Tarmed, il est possible, sur le papier, que des spécialistes travaillent plus de 24 heures par jour. «Si un acte avait été prévu pour une heure mais que ça dure 15 minutes, une heure en vaut alors quatre», explique Yannis Papadaniel.
«24 heures» met en lumière ce lundi l'exemple d'un neurologue qui aurait travaillé près de 26 heures par jour. «C'est une aberration d’un système dont l’obsolescence n’a pas été anticipée», réagit l'expert. Pour lui, il est nécessaire de revoir le mode de financement: «On peut bien sûr apporter une correction, mais elle ne sera valable qu'un temps. À mesure que les techniques médicales vont s’affiner ou être innovée, on observera de nouvelles obsolescences.» La FRC prône le modèle dit par «capitation», dans lequel le médecin reçoit un forfait annuel pour chaque patient dont il s'occupe.
Une facture illisible pour les patients
Avez-vous déjà essayé de déchiffrer la facture de votre médecin? Un vrai chemin de croix. «Tout est fait pour que les patients s'y perdent», déplore Yannis Papadaniel. On trouve sur la douloureuse des codes, la valeur du point ou encore des intitulés peu clairs. De quoi s'y perdre.
Les assureurs peuvent bien tenter d'analyser les factures, aucun outil ne leur permet de savoir si un acte a bien été réalisé. Seul le patient peut le faire, mais s'il ne comprend pas la facture, il va lui être difficile de la contester.
La FRC souhaiterait qu'une deuxième facture plus lisible parvienne au patient. Une demande avait été faite en ce sens auprès de la Fédération des médecins suisses. Pour l'instant, cette interpellation n'a donné lieu à aucune modification.
Des nuances mal connues
Un des grandes difficultés de Tarmed est de connaitre le périmètre exact de chacune des prestations. Par exemple, la lecture du dossier ne peut être facturée qu'à partir du moment où le spécialiste prend connaissance d'une nouvelle pièce versée dans le dossier du patient qui n'a pas été produite par lui-même.
Le spécialiste de la FRC explique que cette prestation est souvent facturée pour se remémorer le dossier sans nouveaux éléments. «Il y a vraiment toute une série de nuances qui ne sont pas nécessairement connues par la population, et même par certains praticiens.»