Une fine ligne bleue qui traverse deux bandes noires. Autorisé depuis 2017, l’insigne, a priori inoffensif, était devenu bien trop polémique. Trop associé à l’extrême droite.
«La Direction opérationnelle des polices vaudoises a pris la décision d’interdire avec effet immédiat le port de la Thin Blue Line» le 20 juin, écrit Alexandre Bisenz, porte-parole de la police cantonale, dans un e-mail adressé à Blick ce 13 septembre. Désormais, seuls les éléments officiels sont autorisés sur les uniformes et les accessoires. Jusqu’ici, l’information n’avait pas filtré.
«Le but est de garantir au public la posture de neutralité exigée par la fonction d’autorité, étaye le libéral-radical Pierre-Antoine Hildbrand, municipal de la sécurité à Lausanne, également contacté ce mercredi. La police est au service impartial de la loi.» La nouvelle directive est «strictement» appliquée à Lausanne, confirme Sébastien Jost, chargé de communication de la police municipale.
La nouvelle réjouit le conseiller communal Ilias Panchard (Les Vert-e-s), qui avait informé notre rédaction de son intention de déposer prochainement un postulat pour demander la prohibition de tout marqueur politique sur les bleus de travail. «C’est une bonne décision, se félicite le candidat au Conseil national. Ces insignes qui font tache n’ont pas leur place sur les uniformes des policiers vaudois et lausannois. Le commandement a enfin sifflé la fin de la récréation!»
Intense controverse
Cette notice interne, qui concerne les dix corps de police du canton, a été rédigée quelques jours après une intense controverse. Souvenez-vous: le 14 juin, lors du procès des six agents lausannois jugés pour la mort du Nigérian Mike Ben Peter, un gendarme membre du dispositif de sécurité arbore la Thin Blue Line sur son gilet pare-balles.
En marge d’audiences où il est question de «racisme systémique» l’exhibition du badge jugé raciste passe mal, notamment auprès des soutiens de la famille du dealeur de rue. Le lendemain, le commandement de la police cantonale promet «d’analyser la situation et de prendre les mesures en conséquence», dans un courriel envoyé à Blick. En attendant, le droit de le porter est suspendu.
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A l’origine, l’emblème — conçu au Royaume-Uni et considéré apolitique — célèbre la solidarité internationale entre les forces de l’ordre. C’est aussi un hommage aux collègues blessés ou tués en service. Et une métaphore: la ligne bleue représente la police, ce barrage entre la population et le crime.
En réaction à Black Lives Matter
Seulement voilà, au fil du temps, l’écusson a pris une nouvelle signification et a été récupéré par l’extrême droite, rappelle «Le Monde». La Thin Blue Line est régulièrement brandie aux États-Unis durant des rassemblements prisés des suprémacistes blancs, comme à Charlottesville en 2017, en réaction au mouvement antiraciste Black Lives Matter — avec le slogan «Blue Lives Matter» — en 2020 ou lors de l’assaut du Capitole en 2021.
À tel point qu'elle est proscrite dans plusieurs pays, États ou villes. Exemple récent: en février, le chef du célèbre Los Angeles Police Department (LAPD) a banni l’accrochage de drapeaux à fine ligne bleue dans les commissariats.
Le 15 juin, au cours d’une interview accordée à Blick, la députée de gauche radicale Mathilde Marendaz était montée aux barricades: «On ne peut pas déconnecter un tel symbole de son histoire, très récente. Parce que le doute subsistera toujours au sujet des intentions du fonctionnaire qui le porte.» Dans la foulée, son camarade d’Ensemble à Gauche Hadrien Buclin avait pris la parole à ce sujet au Grand Conseil. Mais le Parlement n’avait pas été amené à se prononcer sur une interdiction. Il n’en aura pas eu besoin.