L'accusée était consciente des soupçons et ne s'est pourtant pas engagée pour signaler le cas au Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS), écrit le DFF dans l'ordonnance pénale que l'agence de presse Keystone-ATS a pu consulter. L'information avait d'abord été rapportée mercredi par l'émission «SRF Investigativ» de la télévision et radio alémanique SRF, et les journaux de Tamedia.
Une déclaration de soupçon effectuée à temps aurait augmenté les chances que les autorités puissent suivre le flux d'argent et peut-être confisquer les fonds. En outre, une déclaration plus précoce aurait au moins favorisé le traitement pénal de cette affaire «dévastatrice pour le Mozambique».
Le scandale concerne des crédits accordés au Mozambique par Credit Suisse pour un montant de 2 milliards de francs, à l'insu du Parlement local et du Fonds monétaire international. L'argent devait notamment servir à payer la construction d'une flotte de pêche au thon.
Mais au lieu de cela, plusieurs centaines de millions ont été détournés par des fonctionnaires corrompus. Les entreprises publiques impliquées n'ont plus pu honorer leurs dettes et le Mozambique a dû intervenir, plongeant le pays dans une grave crise d'endettement.
Les investigations n'ont pas levé les soupçons
La société Palomar, par laquelle des transactions ont été effectuées, avait un compte auprès de Credit Suisse. Selon «SRF Investigativ», près de 8 millions de dollars ont été versés à Palomar par le ministère des finances du Mozambique en 2016.
Dès mars 2016, des informations négatives et des «rapports médiatiques négatifs persistants» ont été publiés, écrit le DFF. Si l'on considère en outre que le Mozambique était l'un des Etats présentant les risques de corruption les plus élevés, il existait à l'époque un soupçon fondé que les fonds versés étaient liés au blanchiment.
Les clarifications de la banque n'auraient pas permis de lever ce soupçon. Malgré cela, l'établissement n'a pas signalé le cas au MROS. Il ne l'a fait qu'en 2019, après que l'affaire ait été rendue publique dans le cadre d'une plainte du ministère américain de la justice.
Devant le Tribunal pénal fédéral
L'avocat de l'ancienne responsable de la banque a rejeté les accusations auprès des journaux de Tamedia, les qualifiant d'"incompréhensibles». En effet, la décision de ne pas faire de déclaration n'aurait pas été prise par elle. La cadre va donc porter l'affaire devant le Tribunal pénal fédéral, ont déclaré ses avocats à «SRF Investigativ».
Devant la justice américaine, l'affaire du Mozambique a été réglée par des accords. Credit Suisse a accepté des amendes d'environ un demi-milliard de dollars et a dû annuler des dettes de 200 millions de dollars au Mozambique. L'ancien ministre des finances du pays africain a été condamné pour détournement de fonds et deux anciens collaborateurs de Credit Suisse ont plaidé coupable pour blanchiment d'argent.