Simonetta Sommaruga déçue de la COP27
«Nous risquons de perdre l'objectif de vue»

Les négociations de la conférence de l'ONU sur le climat ont été une nouvelle fois ardues. Tandis que les débats jouaient les prolongations en Egypte, Simonetta Sommaruga a accepté de tirer un premier bilan pour Blick. Et la conseillère fédérale est peu enthousiaste.
Publié: 20.11.2022 à 16:22 heures
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Dernière mise à jour: 20.11.2022 à 16:50 heures
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Le 27e sommet des Nations unies sur le climat s'est tenu en Égypte.
Photo: keystone-sda.ch
Dana Liechti

Le 27e sommet sur le climat, la fameuse Conference of parties, aurait normalement dû se terminer vendredi à Charm-el-Cheikh en Égypte. Mais les négociations, très difficiles, se sont prolongées jusqu'à tard dans la nuit.

Alors que les débats finaux étaient encore en cours, la ministre (démissionnaire) de l'Énergie, Simonetta Sommaruga, a accepté de tirer un premier bilan.

Pensez-vous que l’on parviendra à une déclaration finale commune cette année?
Nous nous sommes battus toute la journée de samedi. J’ai passé d’innombrables coups de téléphone et notre délégation fait pression jusqu’au bout pour obtenir de bonnes solutions. La situation de départ était terrible: les premières propositions nous auraient mis en retard sur les décisions prises à Glasgow, lors de la COP précédente! Heureusement, les choses se sont un peu améliorées ces dernières heures.

La déclaration sera-t-elle suffisamment ambitieuse?
Même si la nuit est déjà bien avancée, je ne peux pas définitivement me prononcer. Il ne semble pas que nous puissions demain (ndrl: dimanche) nous rapprocher de l’objectif d’1,5 degré. Le risque que nous perdions de vue cet objectif de l'accord de Paris, précisément lors d’une conférence sur sol africain, est décevant. Ce serait une catastrophe pour les pays les plus pauvres, dont certains sont extrêmement menacés par le réchauffement climatique. Mais si tout le monde tire à la même corde, en particulier les grands émetteurs, alors l'objectif restera atteignable.

Qu’en est-il du financement des dommages climatiques, un sujet très discuté?
La présidence égyptienne a certes proposé un fonds destiné à soutenir les pays pour les dommages causés par le changement climatique. Mais ce n'est pas une solution satisfaisante: non seulement certains grands pollueurs ne doivent pas contribuer, mais même des Etats financièrement puissants comme l’Arabie saoudite recevraient de l'argent. La Suisse a donc exigé, avec le soutien de nombreux autres Etats, que les grands pollueurs et les pays financièrement puissants contribuent également à ce fonds, et qu’il soit avant tout destiné aux États les plus vulnérables. Nous nous sommes démenés pour ce projet jusqu’à la dernière minute.

Des évolutions vous semblent-elles néanmoins positives?
Il y a une prise de conscience globale. La thèse que la communauté mondiale doit faire plus pour la protection du climat et que tout le monde doit contribuer est très largement soutenue. L’avancée des connaissances scientifiques a joué un rôle important: on sait que la situation est dramatique dans de nombreux Etats pauvres et dans les îles du Pacifique est dramatique. Mais le problème est que quelques grands émetteurs et pays émergents tentent de se cacher derrière les Etats les plus pauvres. La Suisse a mis le doigt sur ce point sensible et l’a abordé ouvertement.

La lenteur des négociations vous désespère-t-elle, parfois?
Bien sûr, et comment! Mais nous devons être réalistes. Les quelque 190 pays qui ont signé l’accord de Paris ont des situations de départ très différentes. Elles doivent faire face à leurs propres défis et ont des intérêts divergents. D’un côté, de petits Etats insulaires, comme Tuvalu, par exemple, voient leur existence même menacée par le réchauffement climatique. D’un autre côté, des nations comme l’Arabie saoudite n'ont gagné leur argent que grâce au pétrole, au gaz ou au charbon. Entre deux, il existe des pays en développement qui possèdent des gisements de pétrole et de gaz et qui veulent les exploiter pour s’enrichir. C’est tout un monde qui s’affronte.

Comment faites-vous pour rester confiante en ce qui concerne la lutte contre le changement climatique?
La science nous dit que nous pouvons encore atteindre l’objectif de 1,5 degré. Je m’en tiens aux faits. Et j’assiste en Suisse à un véritable changement de mentalité. La guerre en l’Ukraine nous a montré tout ce que cela implique de dépendre du gaz et du pétrole étranger. La population veut désormais une plus grande sécurité énergétique. De plus en plus de personnes demandent à utiliser de l’énergie produite sur sol suisse grâce au soleil, à l’eau ou encore à la chaleur du sol. Ce qui contribue aussi à une meilleure protection du climat.

Comprenez-vous que les activistes climatiques recourent de plus en plus à la désobéissance civile?
Je peux entendre leur impatience. Mais jeter de la soupe sur des photos ou se coller au sol ne feront pas avancer les choses. En Suisse, on peut les changer en glissant un «oui» dans l’urne pour la protection du climat, ou en s’engageant en politique. Je serais heureuse que les jeunes qui luttent pour le climat siègent demain dans un Conseil communal, au Parlement suisse ou au gouvernement. Vendredi, la ministre suédoise de l’Environnement Romina Pourmokhtari était assise à mes côtés. Elle a 27 ans.

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