Le jeudi 2 juin 2022, à Zollikofen, dans le canton de Berne, une locomotive roulant à 51 km/h percute un train de marchandises à l'arrêt. Le choc est violent. La locomotive et le train de marchandises sont détruits, le trafic ferroviaire entre Berne et Bienne est fortement limité pendant 48 heures. Le conducteur de la locomotive n'avait pas vu un signal d'arrêt et avait freiné trop tard.
Tôt le matin du vendredi 28 août 2020, le trafic pendulaire vient tout juste de commencer. Un train Regio Express déraille en gare de Berne peu après son départ. Personne n'est blessé, mais le chaos est considérable. La gare est bloquée pendant des heures. La faute à l'inattention du conducteur de la locomotive: juste après le départ, il a regardé son plan de marche et n'a pas vu un signal d'arrêt.
Les deux accidents qui précèdent sont des cas dits de signalisation — ou de signaux — et doivent être annoncés à l'Office fédéral des transports (OFT). Il ressort des données de ce dernier que les incidents de ce type ont nettement augmenté ces dernières années. Rien qu'en 2022, 474 cas de signalisation ont été signalés à l'OFT, un nombre jamais atteint auparavant. En 2012, ils n'étaient que 267.
Plus de cas de signalisation, moins de dommages
Les cas de signalisation ne se terminent pas toujours sans gravité, comme à Zollikofen ou à Berne: au cours des dix dernières années, 58 personnes ont été blessées, dont 14 grièvement. Deux personnes ont même perdu la vie. En 2013, le conducteur de 24 ans d'un Regio Express était décédé lors d'une collision à Granges-Marnand, dans le canton de Vaud. Son collègue dans le train régional qui arrivait en sens inverse n'avait pas respecté un signal d'arrêt.
Et en juillet 2022, un chef de manœuvre de 62 ans est passé sous un wagon-citerne à Brigue, en Valais. Lui aussi n'avait pas vu un signal.
Bien que les cas de signalisation aient augmenté, les dommages matériels et les blessés ont diminué ces dernières années. Mais pas les coûts. Car les dommages matériels liés à des feux rouges grillés sont énormes: selon l'OFT, près de 57 millions de francs ont été dépensés ces dix dernières années pour réparer des dommages faits aux trains, mais aussi à des installations ferroviaires ou à des tiers.
Le manque de personnel est un facteur
Si deux trains se rentrent dedans, les coûts peuvent rapidement se chiffrer en millions. En février 2015, par exemple, un RER est entré en collision avec un Interregio à Rafz, dans le canton de Zurich. Coûts des dommages: 13 millions de francs. En juillet 2020, un train d'autos sortant à Oberwald, dans le Haut-Valais, a percuté le flanc d'un train régional entrant, ce qui a occasionné 6 millions de francs de dommages.
Pourquoi les conducteurs de locomotives grillent-ils de plus en plus souvent le feu rouge? Pour Philipp Hadorn, du Syndicat du personnel des transports (SEV), les exigences croissantes auxquelles les cheminots doivent faire face avec le manque de personnel en sont la cause principale, à côté d'horaires très complexes et denses.
«Les tâches dans le domaine ferroviaire hautement technique, avec des conséquences extrêmes en cas de non-respect des règles, nécessitent une énorme concentration», explique Philipp Hadorn. Parallèlement, le soutien technique revêt ici une importance considérable.
Personnel sous pression = davantage d'erreurs
CFF Cargo, en particulier, est touché depuis longtemps par le manque de personnel. «Le personnel existant doit faire des tours de garde supplémentaires en raison de goulots d'étranglement.» À cela s'ajoute le fait que «les périodes de repos restent un problème. Les pauses légales sont respectées, mais les transitions sont parfois plus courtes. C'est un facteur de stress».
Les exigences politiques renforcées en matière d'autogestion mettent le personnel sous pression, selon Philipp Hadorn, qui conclut: «Quand les gens sont sous pression, les erreurs augmentent.»
CFF Cargo aurait manqué l'occasion d'investir suffisamment à temps dans le personnel, selon le syndicaliste, qui critique par ailleurs les conditions cadres politiques et économiques, mais aussi les fausses priorités internes au groupe.
Une application entend soutenir les mécaniciens de locomotive
Les CFF ont apparemment reconnu le problème. Depuis peu, l'entreprise investit à nouveau davantage dans le recrutement et la formation. Une bonne mesure, nécessaire, selon Philipp Hadorn: «S'il y a suffisamment de collaborateurs capables de bien faire leur travail et qui ne sont pas stressés, cela aura un effet positif sur la sécurité.»
En tant que plus grand exploitant du réseau ferroviaire, les CFF affirment avoir beaucoup investi ces dernières années dans la réduction des cas de signaux, notamment en améliorant la sécurité des trains et les systèmes d'avertissement. Ils suivent de près l'évolution et analysent chaque accident. En ce qui concerne le manque de personnel, les CFF assurent être en «échange constant avec les partenaires sociaux».
L'OFT a pour sa part pris deux mesures: une application censée aider les mécaniciens de locomotive à manœuvrer et une étude qui a en outre permis de recenser les «facteurs humains» conduisant à des cas de signaux. Peter Füglistaler, directeur de l'OFT, part du principe qu'il est encore possible de «briser la tendance», sans quoi «d'autres mesures seront prises».