Chaque année, l’industrie pharmaceutique verse plus de 200 millions de francs à des médecins, hôpitaux, sociétés spécialisées et autres acteurs du secteur de la santé. Congrès, missions de conseil, projets de recherche ou encore sponsoring d’événements: les liens entre laboratoires et professionnels sont multiples.
En 2023, c’est la médecin esthétique neuchâteloise Marva Safa qui a perçu les paiements les plus élevés, selon les dernières analyses de données menées par Ringier Médias Suisse, publiée sur le site Pharmagelder.ch. Le groupe pharmaceutique AbbVie lui a versé un total de 152'000 francs.
A noter: les 92'000 francs reçus pour des missions de conseil, 47'000 francs ont été alloués en frais supplémentaires. À cela s’ajoutent 2390 francs de frais de congrès, également pris en charge par AbbVie, auxquels s’ajoutent encore 10'454 francs de frais complémentaires. Comme le souligne «Beobachter», la nature exacte de ces frais, jugés particulièrement élevés, n’est pas précisée.
Violation du code de déontologie?
La Société neuchâteloise de médecine souhaite désormais clarifier si Marva Safa a enfreint le code de déontologie de la Fédération des médecins suisses (FMH) en acceptant ces paiements de l’industrie pharmaceutique. Une procédure confirmée par Michel Hunkeler, président de la commission compétente au sein de la Société neuchâteloise de médecine.
Michel Hunkeler ne précise toutefois pas les éléments exacts sur lesquels porte l’enquête. Tandis que le code de déontologie de la FMH évoque les conflits d’intérêts de manière générale, les directives de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) vont plus loin. Elles rappellent un principe fondamental: lors d’un traitement, un médecin ne doit pas se laisser influencer par des intérêts extérieurs – comme des mandats pour des entreprises pharmaceutiques. Les honoraires doivent être «proportionnels à la charge de travail» et les paiements, «transparents».
Mais l’ASSM n’est pas en mesure de faire respecter ses règles. « En tant que fondation de droit privé, l’ASSM n’a ni la tâche ni les moyens de contrôler le respect de ses directives», écrit-elle. Elle déplore néanmoins depuis longtemps la forte dépendance de la formation continue des femmes médecins vis-à-vis de l’industrie.
En matière légale, c’est à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) de veiller à l’application de la loi sur les produits thérapeutiques. Celle-ci interdit aux médecins de solliciter, de se faire promettre ou d’accepter un «avantage indu». Les cadeaux autorisés ne doivent pas dépasser une valeur de 300 francs, et uniquement s’ils ont un lien direct avec la pratique médicale ou pharmaceutique.
Une procédure en cinq ans
Malgré le durcissement de la législation il y a cinq ans, l’OFSP n’a ouvert qu’une seule procédure pénale, selon «Beobachter».
Marva Safa, de son côté, n’a pas répondu aux questions du journal. D’après les données publiées par les entreprises pharmaceutiques, elle figurait déjà en tête des bénéficiaires en 2021. À l’époque, elle avait déclaré agir en tant que conseillère indépendante pour former d’autres médecins à l’utilisation sûre et fondée sur des preuves de produits et d’appareils. Elle affirmait alors se conformer «strictement aux directives de tous les organes de régulation concernés».