En 2022, le professeur et spécialiste de l'ostéoporose Jean-Yves Reginster, domicilié sur les bords du lac Léman, a reçu la plus grosse somme d'argent de l'industrie pharmaceutique, grâce à son activité de conseil pour le groupe de soin de santé Viatris. L'année dernière, il était en deuxième position avec 70'000 francs.
Mais en 2023, c'est Marva Safa qui prend la première place du podium! La doctoresse esthétique a reçu plus du double de la somme de Jean-Yves Reginster: 152'000 francs. Elle exploite depuis 20 ans sa propre clinique esthétique à Neuchâtel.
Depuis l'entrée en vigueur de l'autorégulation de la branche pharmaceutique il y a neuf ans, c'est le montant le plus élevé documenté par une entreprise à un médecin. C'est ce que montre l'évaluation de Ringier Médias Suisse, publiée sur le site Internet Pharmagelder.ch.
De tels paiements peuvent mettre en danger l'indépendance des médecins. C'est pourquoi la transparence établie par Pharmagelder.ch est importante.
Silence sur les conflits d'intérêts
Le journal «Beobachter» a voulu savoir en quoi consistait concrètement l'activité de Jean-Yves Reginster et Marva Safa pour l'industrie, et comment ils géraient les conflits d'intérêts potentiels. Les deux médecins n'ont pas répondu à la demande.
Décryptons ensemble les chiffres. Sur le montant total, la diplômée de l'université de Genève s'est fait verser environ 57'000 francs en frais de voyage et d'hébergement. Le reste correspond à des honoraires de conseil et de conférence. Selon les données publiées par les entreprises pharmaceutiques, la doctoresse neuchâteloise a reçu en 2023 exclusivement de l'argent du groupe pharmaceutique AbbVie, qui fait de la médecine esthétique l'une de ses priorités. Il y a un an, en réponse à une demande similaire, elle a indiqué au «Beobachter» qu'elle soutenait les entreprises pharmaceutiques en tant que «conseillère indépendante afin d'enseigner à d'autres médecins l'utilisation sûre et fondée sur des preuves de produits et d'appareils».
En troisième position, on trouve Luc Biedermann avec 67'000 francs. Il est médecin en chef à la clinique de gastroentérologie et d'hépatologie de l'Hôpital universitaire de Zurich (diagnostic et traitement des maladies du tractus gastro-intestinal). Le médecin n'a pas non plus répondu aux questions de nos confrères et consœurs, mais a fait savoir qu'il saluait la publication des contributions financières de l'industrie pharmaceutique pour des raisons de transparence.
Le quatrième montant le plus élevé (60'000 francs) a été versé au rhumatologue Oliver Distler, qui dirige également le centre de la colonne vertébrale de l'Hôpital universitaire de Zurich. Olivier Distler n'a pas non plus répondu aux questions.
«Dans l'intérêt de la santé»
Le pédiatre bâlois Ulrich Heininger arrive en cinquième position (50'000 francs) dans le classement des médecins les mieux payés par l'industrie pharmaceutique. Interrogé, Ulrich Heininger souligne que les activités annexes rémunérées concernent sa spécialité personnelle, à savoir la sécurité des vaccins et la prévention vaccinale en général et contre la coqueluche (pertussis). «Je le fais dans l'intérêt de la meilleure préservation possible de la santé de notre population.»
Sa mission à l'Hôpital pédiatrique universitaire se situe dans le domaine de la prise en charge des enfants et des adolescents malades. Son indépendance ne semble donc pas menacée – et aucun conflit d'intérêts ne plane sur sa tête.
Depuis les premières publications des données de l'industrie pharmaceutique, il y a neuf ans, les contributions financières accordées aux médecins et aux acteurs du système de santé ne cessent d'augmenter. En 2015, les plus de 60 entreprises pharmaceutiques ont versé 141 millions de francs, contre 246 millions aujourd'hui.