Un pénis se dresse dans le jardin de Jean-Pierre Schenk. C’est son œuvre et, chez lui à Gilly (VD), elle ne plaît pas à tout le monde. Tant pis pour les mécontents «outrés» et qui ne comprennent rien à «l’art absolu», nous dit – presque le plus sérieusement du monde – le propriétaire de la sculpture phallique, âgé de 72 ans.
Rendons à César ce qui est à César. C’est à nos vieilles branches de «24 heures» qu’on doit le récit insolite – paru ce jeudi 20 février – de ce conflit de voisinage, devenu imbroglio entre un habitant et sa petite commune vaudoise, située entre Rolle et Gland.
Deux voisins en conflit
Résumons. Dans le jardin de Jean-Pierre Schenk, qui habite Gilly depuis dix ans, il y avait un beau pin parasol. Problème? Cet ancien commerçant en vins l’avait planté «trop près» de la propriété de son voisin, dont la vue s’est retrouvée «obstruée».
Les deux voisins ne trouvent pas de terrain d’entente. Nous sommes alors en novembre 2023 et selon le quotidien vaudois, il faut l’intervention du juge de paix et une audience de conciliation pour que Jean-Pierre Schenk accepte de tailler les feuilles qui dépassent. Ce qu’il fait.
«Il n’a pas aimé, parce que ce n’était 'pas beau'», raconte le Gilliéron à Blick à propos de son concitoyen. Alors Jean-Pierre Schenk, sur l’impulsion de son fils «qui a toujours de bonnes idées», appelle un ami de ce dernier, l’artiste de la tronçonneuse Michaël Miaz.
Entorse au règlement, selon Gilly
Il passe commande au sculpteur de la forme plus que suggestive. «Ça lui a pris à peine trois heures, c’était comme voir Javier Milei en action», plaisante le septuagénaire, fier de son coup. «J’aurais pu tailler la Joconde, mais c’était beaucoup moins joyeux», s’amuse encore l’offenseur qui a vite trouvé l’ouvrage «très beau».
La présence de l’œuvre, toujours enracinée, remonte aux oreilles de la Municipalité de Gilly. Les autorités y voient, selon «24 heures», une «violation du règlement communal sur la protection des arbres». Elles dénoncent Jean-Pierre Schenk à la préfecture de Nyon et le somment d’abattre le pénis de la discorde.
Attention, ce ne serait pas la forme phallique qui a mené à cette décision, mais bien l’élagage total «assimilé à un abattage effectué sans autorisation». Un point que confirme le syndic Denis Dumartheray au quotidien vaudois, évoquant une «appréciation de l’art» propre à chacun. Mais Jean-Pierre Schenk n’est pas de cet avis. Il a fait appel à un avocat et compte bien déposer un recours.
Décence, quand tu nous tiens
Il assume d’avoir «un peu fait chauffer le chapeau du voisin», mais estime que leur conflit s’est soldé par la réduction de l’arbre à moins de trois mètres. Il voit dans cette situation un dérapage administratif des autorités. «Maintenant, la commune me demande de replanter des arbres pas loin de celui qu’on a redécoré. C’est le serpent qui se mord la queue.»
Surtout, il y voit un signe de pudibonderie, qu’il exècre: «J’ai eu des gendarmes qui sont passés chez moi un soir, m’expliquer ce que c’est la décence. Mais un objet peut difficilement faire de l’exhibitionnisme. Je suis chez moi, je fais ce que je veux.» Il affirme s’être mis à disposition de la Municipalité pour régler ce problème à l’amiable. «J’espère encore avoir une entrevue avec le syndic pour arrondir les angles.»
Un geste artistique?
Il souhaite que son récit permette d’éduquer certains sur l’art et sa possible vocation à gêner, voire à choquer. «Cette sculpture, c’est une réserve d’avenir, une incitation à imaginer plus. C’est l’envers du décor de l’Origine du monde, de Gustave Courbet.»
Un argumentaire qui se fait parfois tout en finesse: «C’est une manière de faire durer l’âme de mon pin, qui est devenu une pine.» Jean-Pierre Schenk regrette de n’avoir «même pas encore inauguré» la sculpture: «Il faut qu’on le polisse, qu’on le soigne, qu’on lui fasse peau neuve.»
Le retraité au passé de pilote d’avion campe sur ses positions: «L’œuvre restera dans mon jardin, couchée ou debout.» Un proverbe islandais dit ces quelques mots: «On doit honorer le chêne sous lequel on habite.» Quant à savoir si Jean-Pierre Schenk aurait dû le prendre au pied de la lettre, à vous de juger.