Révision du Conseil des États
Le «revenge porn» pourrait être passible de prison

Divulguer une vidéo à caractère sexuel sans le consentement d'un des participants doit être puni à l'avenir. Le Conseil des États a poursuivi lundi sa révision du droit pénal, introduisant notamment l'infraction de «revenge porn».
Publié: 13.06.2022 à 20:41 heures
Le Conseil des État introduit une nouvelle infraction au droit pénal concernant le «revenge porn» (image symbolique).
Photo: Fabian Sommer

La pornodivulgation, plus connue sous son nom anglais «revenge porn», consiste en la transmission indue d'un contenu non public à caractère sexuel. Concrètement, il s'agit de photos ou de vidéos enregistrées consensuellement dans le cadre d'une relation de couple, qui sont ensuite publiées sans le consentement de l'une ou de l'autre personne identifiable.

La transmission à un tiers sera à l'avenir punie d'une amende ou d'une peine de prison d'un an au plus. Si le contenu est rendu public, l'emprisonnement pourrait aller jusqu'à trois ans.

«Le revenge porn peut conduire au suicide»

Actuellement, il y a une lacune juridique. «Aucun moyen légal n'existe pour empêcher ou dissuader de tels comportements», a rappelé Céline Vara (Vert-e-s/NE). Or ils sont de plus en plus fréquents.

«Les jeunes sont connectés en permanence. Ils se filment tout le temps. Ils se prennent en photo constamment», a souligné la Neuchâteloise. Partager une photo sur Internet est toutefois une action impossible à effacer. «Le revenge porn peut détruire une vie, et même conduire au suicide.» Il faut répondre à l'évolution de la société.

Pas d'infraction sur le pédopiégeage

Pour Philippe Bauer (PLR/NE), une telle disposition n'est pas à sa place. «Il s'agirait plutôt d'une infraction contre l'honneur, de la liberté individuelle ou du domaine de la poste.» D'autres photos pourraient aussi être compromettantes, par exemple de personnes ivres, a-t-il continué. De tels contenus devraient aussi être pris en compte.

Une vision partagée par le Conseil fédéral. La ministre de justice et police Karin Keller-Sutter a également appelé à attendre les résultats d'un rapport sur le sujet. Les sénateurs les ont toutefois désavoués par 37 voix contre 6.

Le Conseil des États n'a en revanche pas voulu par 21 voix contre 18 et quatre abstentions d'une infraction sur le pédopiégeage, soit la sollicitation d'enfants et d'adolescents par des adultes à des fins sexuelles dans le but d'abuser d'eux sexuellement. Il est important de lutter contre toute forme de cyberharcèlement, a tenté de plaider Isabelle Chassot (C/FR).

Les actes sexuels prétendus médicaux seront punis

La tentative d'infraction sexuelle est déjà punissable. En déclarant les actes préparatoires punissables, on rendrait punissable la «tentative de tentative», lui a opposé Carlo Sommaruga (PS/GE) pour la commission. Avec une telle disposition, le risque est également de condamner une simple présence dans un tchat avec un enfant sans volonté de pédopiégeage. «La pensée serait condamnée et non l'acte.»

Une nouvelle infraction devrait par contre voir le jour pour les atteintes sexuelles dans le domaine de la santé. Un médecin, qui commet un acte sexuel en le prétendant médical, sera sanctionné d'une peine pécuniaire ou de prison de cinq ans au plus.

Révision sur des dispositions concernant la pornographie

Certaines dispositions concernant la pornographie ont aussi été revues. La définition de l'infraction à caractère pornographique a été revue. De nombreux mineurs se rendent aujourd'hui involontairement coupables d'une infraction pénale. La non-punissabilité sera donc étendue.

Une personne mineure qui fabrique, possède ou consomme des images ou des films qui l'impliquent elle-même ou les rend accessibles à une autre personne avec son consentement ne devrait pas être punie. La disposition vise en particulier les selfies pornographiques, toujours plus fréquents chez les jeunes avec l'accès facilité aux smartphones, a précisé le rapporteur de commission.

Des objets ou des représentations pornographiques, ayant comme contenu des actes de violence entre adultes, ne devraient en outre plus être considérés comme pornographie dure.

Mardi passé, les sénateurs avaient déjà examiné les principaux points de la révision. Ils avaient notamment revu la notion de viol. Toute forme de pénétration, quel que soit le sexe de la victime, doit être considérée comme tel. La notion de contrainte doit également être abandonnée.

Les longs débats se sont concentrés sur l'expression de la volonté de la victime. Au final, c'est la version du refus qui l'a emporté sur celle du consentement. Le projet introduit aussi une gradation des infractions: sans contrainte, avec contrainte et avec cruauté ou en utilisant des armes dangereuses. Les peines augmentant avec la gravité de l'infraction.

Au vote sur l'ensemble, le projet a été adopté à l'unanimité. Il passe au National.

(ATS)

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