L'armée, les retraites, la définition du viol... Ce ne sont pas les gros dossiers qui manquent durant cette session d'été. Et pourtant: le gros débat qui agite la Coupole depuis hier, c'est l'écriture inclusive. C'est parti pour le tour d'horizon quotidien de l'actualité bernoise.
1. Cachez ces points qui n'existent pas
Vous avez raté le début? C'est un Valaisan, le Centriste Benjamin Roduit, qui a mis le feu aux poudres mardi au Palais fédéral: dans une motion, l'homme (blanc et cis de 62 ans, relèveront les milieux féministes) demande d'interdire l'écriture inclusive dans l'administration fédérale.
De quoi faire s'étrangler les défenseurs du point médian: son introduction n'était même pas prévue. Un mise à ban préventive, donc, qui a déjà fait couler énormément d'encre, ou plutôt agité un nombre incalculable de pixels depuis hier.
Il suffit d'aller consulter les réponses au tweet du conseiller national valaisan pour voir à quel point la mesure polarise. Gâchis du temps du Parlement, insulte aux femmes, «cancel culture de droite» d'un côté, ou mesure de bon sens de l'autre, chacun (ou chacune, donc) son avis. Ou sa proposition innovante.
Fait cocasse, la Ville de Zurich a fait le choix exactement inverse en généralisant l'astérisque, la version alémanique du point médian.
2. Le craquage d'un élu UDC
Le Conseil des États l'a décidé après un débat-fleuve: sa préférence pour la révision du code pénal va à une définition du viol «Non, c'est non». En gros, il y a viol dès le moment où la victime a dit non. La gauche (pour simplifier) voulait aller plus loin avec une version «Oui, c'est oui»: le consentement explicite devait être exprimé avant tout acte sexuel.
Un débat qui n'a pas vraiment intéressé Hannes Germann. Le conseiller aux États schaffhousois, qui n'est autre que le président de l'association des communes suisses, l'a dit sur Twitter: «Franchement? J'aurais préféré vivre en direct le triomphe de nos cadettes schaffhousoises en handball plutôt que de devoir assister à ce débat interminable sur la définition du viol. Au calme, comme disent les jeunes.
Il n'est d'ailleurs pas le seul UDC à susciter l'ire sur le réseau à l'oiseau bleu. Son collègue le conseiller national Roger Köppel, a été encore plus loin dans la provocation. Le Zurichois a partagé une émission de la SRF flanquée du commentaire: «Chaque grande histoire d'amour commence avec un 'NON' d'une femme». Ce à quoi l'humoriste connue outre-Sarine Lisa Christ lui a rétorqué: «Oubliez l'histoire du handball, Roger Köppel arrivera toujours à sortir quelque chose de plus misogyne de son chapeau magique. J'espère que l'histoire d'amour avec sa femme n'a pas commencé par un 'NON'».
3. Un chablon pour remplir son bulletin
Le secret du vote sera garanti pour tous à l'avenir. Jusqu'ici, les personnes malvoyantes étaient contraintes de s'en remettre aux mains d'un tiers pour pouvoir exprimer leurs voix. Désormais, à l'aide de chablons ad hoc, ils pourront eux-mêmes remplir leur bulletin. La motion en ce sens de la Genevoise Delphine Klopfenstein Broggini a été acceptée à l'unanimité.
4. Qui veut les doses suisses?
Le Conseil fédéral a décidé de céder un total de 19 millions de vaccins contre le Covid. C'est ce qu'a déclaré Alain Berset mardi devant le Conseil national. Problème: la demande a fortement baissé depuis le début 2022, même dans les pays à faible revenu, a concédé le ministre de la Santé.
Plus problématique encore, notre pays a détruit notamment plus de doses qu'elle a pu en donner. Comme le rapportait la RTS il y a quelques jours, ce sont plus de 600'000 doses qui ont terminé à la poubelle. Les dates de péremption de ces vaccins Moderna sont échues.
De quoi faire fulminer la conseillère nationale des Verts Katharina Prelicz-Huber. «Il est inadmissible que de nombreux pays d'Afrique puissent encore effectuer peu de vaccinations parce que le vaccin est trop cher, alors qu'en Suisse, on les détruit», a-t-elle fait remarquer lors de l'heure des questions. Alain Berset n'a eu que peu d'espoir à lui apporter. «Il faut s'attendre à ce que de nouvelles doses soient détruites», a admis le Fribourgeois.
Pendant ce temps, les cas de Covid sont repartis mardi (fortement) à la hausse pour la première fois depuis plusieurs semaines.
...et les cantons recrutent.
5. L'ombre de Matthias Reynard
Il est beaucoup question d'avortement durant cette session d'été. La Verte vaudoise Léonore Porchet voudrait faire sortir cet acte médical, toujours considéré comme une infraction, du Code pénal.
Ce mercredi, le Conseil national débattait d'une motion visant à modifier une «législation infantilisante» en matière de viol. «J'ai l'honneur de défendre ce texte déposé par mon ancien collègue Matthias Reynard en 2019, dans la foulée des grandes manifestations féministes», a déclaré le socialiste genevois Christian Dandrès. De là à dire que les objets parlementaires prennent une éternité à être traités...
6. L'UDC n'aime pas le salami
Le National veut mieux protéger juridiquement les enfants de couple de même sexe. Il a largement adopté ce mercredi deux motions, dont l'une concerne l'adoption. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer, mais l'UDC hurle déjà: il s'agit clairement d'un cas de «tactique du salami», s'est étranglé Jean-Luc Addor. «Alors que le mariage pour tous vient d'être accepté, il y a déjà une volonté d'aller plus loin», a critiqué le Valaisan.
7. Deux ans de garantie, ça suffit
Mardi, l'Union européenne s'engageait contre la «salade de câbles» que chacun a dans un tiroir à la maison en raison des différents types de chargeurs. L'USB-C sera la norme, au grand dam d'Apple.
Ce mercredi, Baptiste Hurni défendait une motion contre l'obsolescence programmée en général. Le socialiste neuchâtelois aimerait que tous les appareils électroniques fassent l'objet d'une garantie de cinq ans. Le Conseil fédéral conseiller de rejeter le texte: s'il estime que le Neuchâtelois a été visionnaire, puisque le gouvernement a planché entre temps sur une législation, la Suisse serait trop ambitieuse en la matière. L'UE prévoit deux ans de garantie, alors que Baptiste Hurni en voudrait cinq.
En parlant d'électronique, le Conseil national s'est prononcé en faveur d'une meilleure protection dans les secteurs du film et des jeux vidéo.
8. Le «hate speech», un fléau
En parlant de protection, les élus font face depuis quelques mois à une augmentation inquiétante des menaces. Dans le jargon, on appelle cela le «Hate speech» (littéralement «discours de haine»), en particulier en ligne.
«Les discours haineux ont explosé, notamment depuis l'apparition du Covid-19. De plus en plus de politiques mais aussi de magistrats sont la cible d'expression de haine, d'insultes, de calomnie, ou encore de menaces, notamment sur les réseaux sociaux, écrit Jacqueline de Quattro (PLR/VD) dans une motion. Les réseaux sociaux, il est vrai, sont devenus un canal incontournable du débat public, mais ce n'est pas toujours un gain pour notre démocratie.»
Le Conseil fédéral n'est pas favorable au texte de la Vaudoise. Karin Keller-Sutter concède que ce sujet a fait l'objet d'intenses débat au sein du gouvernement, également en première ligne face à la haine. «Mais notre code pénal prévoit de laisser aux victimes la possibilité de décider ou non si elles veulent donner une suite pénale», a rappelé la Saint-Galloise.
À jeudi pour de nouvelles (petites) infos fédérales!