Le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis est toujours prêt à surprendre. En 2018, il avait déclaré que l'UNRWA faisait «partie du problème» au Proche-Orient. Le président de la Confédération de l'époque, Alain Berset, avait alors convoqué Ignazio Cassis pour éclairer son collègue du Conseil fédéral sur le conflit au Proche-Orient. Après l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, le Tessinois a coupé les vivres à l'œuvre d'entraide. Raison invoquée: Des collaborateurs de l'organisation onusienne auraient été impliqués dans les attaques.
Comme Blick l'a révélé il y a plusieurs semaines, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) défend en interne une autre position: «A Gaza, l'UNRWA est le plus grand et le plus important acteur humanitaire», peut-on lire dans un rapport confidentiel du DFAE. Un arrêt des paiements à l'UNRWA – par exemple dans les domaines de la santé, du social ou de l'éducation – aurait «probablement des conséquences déstabilisantes supplémentaires».
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Cassis va continuer à soutenir l'UNRWA
Une position qui s'est entre-temps imposée au DFAE, car elle correspond à la tradition humanitaire de la Suisse. En amont d'une conférence internationale des donateurs à New York, la Suisse s'est associée vendredi à une déclaration en faveur de l'UNRWA, un «Shared Commitment». Au total, 118 États soutiennent cette décision, dont tous les membres actuels et futurs du Conseil de sécurité de l'ONU – même les États-Unis, où des membres du Congrès ont bloqué les versements à l'organisation humanitaire après l'attaque du Hamas.
Par le texte de cette déclaration commune, Ignazio Cassis s'engage désormais lui aussi à continuer à soutenir l'œuvre d'aide aux Palestiniens. L'UNRWA est «la colonne vertébrale de toutes les mesures humanitaires dans la bande de Gaza». Aucune autre organisation n'a les capacités de la remplacer. Mieux encore: la déclaration cosignée par le conseiller fédéral rend hommage à l'UNRWA en tant que «pilier de la stabilité régionale et artère vitale de l'espoir et des opportunités pour les millions de réfugiés palestiniens».
«Nous vivons au jour le jour»
Le DFAE ne souhaite pas s'exprimer sur le retournement de veste de son ministre. «L'UNRWA est un acteur central de la réponse à la crise humanitaire à Gaza. Les recommandations du rapport Colonna doivent être mises en œuvre», fait savoir un porte-parole, faisant référence à un rapport de l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna. Elle avait enquêté sur les accusations de terrorisme portées contre des collaborateurs de l'UNRWA; son rapport a partiellement disculpé l'organisation humanitaire et recommandé des améliorations. Une autre enquête est en cours.
Selon le chef suisse de l'UNRWA, Philippe Lazzarini, les fonds alloués ne suffiront plus que jusqu'à fin septembre 2024. «Nous vivons au jour le jour», a-t-il déclaré vendredi – l'œuvre d'entraide est toutefois habituée depuis plus de dix ans à des difficultés financières. Il espère une lueur d'espoir de la part du nouveau gouvernement britannique, qui devrait également autoriser des paiements. Dans le même temps, Philippe Lazzarini a critiqué l'écart massif entre «ce que nous devons faire et les moyens mis à notre disposition pour cela».
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Israël et Philippe Lazzarini à couteaux tirés
En amont de la conférence des donateurs, un échange écrit a eu lieu entre Israël et le chef de l'UNWRA. Blick dispose de l'échange de lettres. Jérusalem y reproche à Philippe Lazzarini d'employer 108 collaborateurs actifs au sein du Hamas ou du Jihad islamique palestinien (JIP), une autre organisation terroriste. Il ne s'agirait là que d'une fraction des centaines de collaborateurs de l'UNRWA.
«Israël attend de vous et de votre organisation de mettre immédiatement fin à l'emploi de tous les membres du Hamas ou du JIP», peut-on lire dans la lettre envoyée de Jérusalem. «Leur travail pour l'UNRWA représente un risque pour la sécurité d'Israël et constitue une violation du principe de neutralité tel que mentionné dans le rapport de Madame Colonna.»
Israël n'a aucune preuve
Il est actuellement impossible de vérifier les informations qu'Israël avance de manière indépendante: l'Etat hébreux n'a pas fourni de preuves à l'appui de ces accusations. Quatre jours après leur transmission, Philippe Lazzarini a répondu: «Comme je l'ai dit à plusieurs reprises aux autorités israéliennes au cours des six derniers mois, il est essentiel que l'UNRWA reçoive des informations et des preuves. Je vous ai écrit en mars, avril et mai pour vous demander des preuves de violations de la politique de neutralité de l'UNRWA par des membres du personnel de l'UNRWA. Jusqu'à présent, je n'ai reçu aucune réponse.»
Philippe Lazzarini a également rendu le gouvernement de Jérusalem responsable de la destruction et de la détérioration de près de 190 bâtiments de l'UNRWA dans la bande de Gaza. Plus de 197 employés de l'UNRWA auraient perdu la vie dans les attaques de l'armée israélienne. A New York, le directeur de l'organisation onusienne a également plaidé pour que les journalistes étrangers aient accès à la bande de Gaza afin de pouvoir transmettre au monde des «vraies images du terrain».