Jusqu’à l’annonce de sa suppression, presque personne n’avait la moindre idée de son existence: l’OcCC (l’Organe consultatif sur le Changement Climatique), formé d’experts conseillant le ministère de l’environnement sur les questions climatiques était quasi-inconnu.
Ce n’est que lorsque la «NZZ am Sonntag» a informé que la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga laissait le mandat du Conseil consultatif sur le climat expirer à la fin de l’année que l’organe est sorti de l’ombre. Un coup de projecteur final avant sa dissolution.
Cet anonymat relatif est assez révélateur du rôle plutôt modeste que jouait cet organe, du moins dans l’influence du débat et de l’opinion publique. Il est maintenant question de savoir si une autre organisation succèdera à l’OcCC, et si tel est le cas, quels seraient son rôle et son fonctionnement.
Scientifiques et politiciens devraient travailler ensemble
Du côté des scientifiques, le positionnement est assez clair: ils souhaiteraient qu’un groupe de travail sur le climat soit mis sur pied pour apporter des propositions et des solutions politiquement applicables. Il ne s’agirait plus, comme par le passé, de se contenter de conseiller l’administration à huis clos. «Jusque-là, il était trop facile pour les politiciens d’ignorer les conseils de la science», affirme Reto Knutti, chercheur en climatologie à l’EPFZ.
Selon lui, il est nécessaire de créer un organe d’échange entre la science et la politique, qui «puisse se positionner clairement en public et contribuer au débat», précise-t-il. «La pandémie de Covid-19 nous a bien montré à quel point il est important que les scientifiques se fassent entendre, et de ne pas laisser la parole uniquement à des lobbies comme Economiesuisse qui ont un accès direct au Conseil fédéral grâce à leur réseau», estime le chercheur. Ce dernier cite l’exemple de l’Allemagne où le gouvernement travaille depuis longtemps avec un tel conseil consultatif sur le climat.
Thomas Stocker, chercheur en climatologie à l’Université de Berne, est d’accord avec Reto Knutti. La Suisse a besoin d’un «groupe de réflexion sur le climat», comme il le qualifie. «Mais le mandat pour sa création devrait venir d’en haut, du Conseil fédéral dans son ensemble. Car la protection du climat est clairement l’affaire des plus hauts dirigeants du pays», prévient le scientifique.
En d’autres termes, l’échange avec le Conseil consultatif sur le climat ne doit pas se limiter au département de l’environnement et des transports (DETEC). «Lorsqu’il s’agit du changement climatique, les sept départements sont concernés: l’économie, les finances, les forces armées, la santé, l’innovation, et ainsi de suite», complète Thomas Stocker.
C’est pourquoi le large soutien d’un tel organisme est important, ajoute la climatologue Sonia Seneviratne de l’EPFZ de Zurich: «Outre les chercheurs en climatologie, il faut aussi des experts en énergie, en environnement et en société», complète-t-elle.
Le Conseil fédéral en demande
Le Parlement demande également au Conseil fédéral d’agir. Othmar Reichmuth, membre du Conseil des États du centre-droit, a présenté cette semaine une motion demandant le remplacement de l’OcCC par une nouvelle commission d’experts. Des politiciens du PLR, du PS et des Verts ont également signé la motion.
Le Conseil fédéral devrait utiliser La suppression de l’organe existant pour améliorer la coopération entre les politiciens et les scientifiques, écrit Othmar Reichmuth.
De son côté, la ministre de l’environnement Simonetta Sommaruga a déjà décidé de la marche à suivre: c’est Proclim, le «Forum sur le climat et les changements globaux» de l’Académie suisse des sciences qui reprendra le mandat de l’OcCC.
«Le contrat entre le DETEC et Proclim a été rédigé dans les grandes lignes, mais n’a pas encore été signé», confirme Urs Neu, directeur ad interim du forum. Il souligne que ce dernier ne se limitera pas à répondre aux questions de politique climatique du DETEC car il fait déjà «parfois» des recommandations aux politiciens.
Malgré les affirmations des représentants de Proclim, les chercheurs craignent de se retrouver une nouvelle fois face à un organisme sans pouvoir dont les recommandations n’atteignent jamais la population. Car sans l’implication de personnalités de premier plan, il n’y aura sans doute jamais de débat public. L’existence dans l’ombre de l’OcCC l’a bien prouvé.