Les résultats trimestriels de Credit Suisse (CS) publiés lundi matin permettent, pour la première fois depuis la décision de rachat par l’UBS le 19 mars, de jeter un regard détaillé sur les comptes de la grande banque. Et d’esquisser des projections. Blick répond ci-dessous aux principales questions sur ce sujet.
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Combien d’argent CS a-t-il vu sortir au premier trimestre?
CS a connu une hémorragie d'actifs de 61,2 milliards de francs au premier trimestre 2023. L'exode est donc moins important que ce que l’on craignait: au quatrième trimestre 2022, la banque avait vu s'envoler presque deux fois plus d’argent, soit 110 milliards de francs.
L’analyste Andreas Venditti, de la banque Vontobel, ne voit toutefois pas de raison de trop se réjouir: «Les 61 milliards sont probablement sortis en grande partie en mars. Cela montre à quel point ce mois a été grave pour la banque.» Selon les déclarations antérieures du président de CS, Axel Lehmann, la situation s’était stabilisée en janvier et février, et ce n’est que dans les jours précédant le 19 mars que la situation s’est à nouveau aggravée.
De plus, les sorties d’argent sont certes moins importantes qu’au quatrième trimestre 2022, mais elles restent «gigantesques», comme le dit Michael Klien, analyste à la Banque cantonale zurichoise (ZKB).
En outre, les sorties d’argent n’ont toujours pas pu être stoppées, comme l’écrit la banque elle-même: «Ces sorties de capitaux se sont ralenties mais pas encore inversées au 24 avril 2023.»
Quels clients retirent leur argent de CS?
Au premier trimestre, les sorties d’argent ont été particulièrement importantes dans la gestion de fortune (-9%), c'est-à-dire chez les clients privés fortunés. Dans l’Asset Management, en tant que fortune institutionnelle, la sortie de fonds a été un peu moins importante (-3%). La meilleure performance a été enregistrée par la banque suisse, qui n’a perdu «que» 1% de ses actifs sous gestion. Cela montre que les petits épargnants suisses qui se sont précipités aux distributeurs automatiques de billets ne sont pas les premiers responsables de la situation critique de la banque. Mais plutôt les gros clients du monde entier qui ont perdu confiance en CS.
Où va l’argent?
Vers d’autres banques et gestionnaires de fortune. La ZKB, par exemple, a franchi pour la première fois l’an dernier le cap du milliard de francs de bénéfices. Elle a probablement aussi profité de la fuite des clients de CS. Les banques privées devraient également profiter des turbulences liées au sauvetage de CS.
Une grande partie de l’argent ne devrait toutefois pas migrer vers la concurrence suisse, mais vers des concurrents internationaux, car la clientèle internationale du Wealth Management et de l’Asset Management a retiré plus d’argent que les épargnants locaux auprès de la banque suisse.
Quel est l’impact des sorties d’argent sur le résultat de CS?
Au premier trimestre, CS a enregistré une perte ajustée de 1,3 milliard de francs suisses. La perte se situe dans un ordre de grandeur similaire à celle du dernier trimestre 2022. Il s’agit là de la sixième perte trimestrielle consécutive.
Ce qui surprend à première vue, c’est que la banque a enregistré un bénéfice net de 12,4 milliards au premier trimestre. Mais cela est uniquement dû à des effets uniques, en particulier aux amortissements AT1 d’un montant de 15 milliards de francs, ordonnés par l’autorité de surveillance des marchés financiers (Finma) dans le cadre de la fusion. Corrigé de cet effet et d’autres effets spéciaux, le résultat est une perte de plusieurs milliards.
CS écrit dans son communiqué que la banque s’attend à une «perte considérable» au deuxième trimestre également. «Il est possible qu’il y ait à nouveau une perte trimestrielle de plus d’un milliard», estime l’analyste Andreas Venditti.
Que va-t-il se passer maintenant?
La reprise de CS par l’UBS doit encore être finalisée au deuxième trimestre. Selon toute vraisemblance, les chiffres de cette période de l’année ne seront plus présentés séparément par les deux banques, mais conjointement. «L’UBS devra se restructurer le plus rapidement possible afin d’endiguer les pertes de CS», prévoit l'expert de Vontobel.
Car même si l’UBS réalise elle-même de confortables bénéfices, elle ne peut pas se permettre de perdre un milliard trimestre après trimestre dans les secteurs d’activité de CS.
L’UBS présentera ses propres chiffres trimestriels ce mardi matin. Il est possible qu’elle donne à cette occasion de plus amples détails sur l’état de la reprise. Les analystes s’attendent à ce que l’UBS réalise un bénéfice substantiel au premier trimestre: Andreas Venditti pronostique ainsi un bénéfice net de 1,7 milliard.
Comment les marchés réagissent-ils aux chiffres publiés par CS?
Tant l’action CS que l’action UBS étaient en hausse lundi matin. À la mi-journée, CS était en hausse de plus de 2%, l’UBS d’un peu moins de 2%. Et ce, alors que le marché global ne bouge guère. Michael Klien, analyste de la ZKB, y voit le signe que le marché aurait attendu des chiffres encore pires de la part de CS: «Maintenant, les investisseurs sont agréablement surpris.»