Rencontres secrètes?
Pourquoi la Suisse n'est pas hors-jeu entre les Etats-Unis et la Russie

Des rencontres entre émissaires russes et américains auraient eu lieu en Suisse ces derniers mois selon l'agence Reuters. Pas sûr que ce soir pour parler de l'Ukraine. Sur d'autres sujets en revanche, le canal hevétique reste utile.
Publié: 21.02.2025 à 14:48 heures
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Dernière mise à jour: 21.02.2025 à 15:06 heures
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La conférence du Burgenstock de juin 2024 est la dernière initiative diplomatique de la Suisse sur l'Ukraine
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

«Ne mélangeons pas tout. Russes et Américains ont aussi besoin de se rencontrer pour parler d’autres sujets que l’Ukraine. Ils n’ont d’ailleurs jamais cessé de le faire depuis le début du conflit. Et la Suisse garde des atouts pour ça…»

Joint au téléphone, ce diplomate helvétique réagit à l’annonce, par l’agence de presse Reuters, de négociations qui auraient eu lieu en Suisse ces derniers mois, entre des représentants du pouvoir russe et de la nouvelle administration de Washington. Vrai? Faux? A quelques jours du troisième anniversaire du déclenchement de la guerre, le 24 février 2022, ces informations sont jugées crédibles.

Probables rencontres

On connait le savoir-faire helvétique en matière de rencontres. Donald Trump est intervenu en visioconférence au Forum de Davos, le 23 janvier. Son prédécesseur Joe Biden avait rencontré Vladimir Poutine à Genève le 16 juin 2021. «Le plus probable est que des rencontres ont bien eu lieu. Un centre comme le Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP) a l’habitude de ces pourparlers» poursuit notre interlocuteur. D’autres sources citent de possibles intermédiaires privés, comme le milliardaire de la pharmacie Frederik Paulsen, basé dans le canton de Vaud. Ferring, son groupe pharmaceutique, est à la fois implanté en Russie et aux Etats-Unis (en Californie).

La tentation, depuis le sommet du Burgenstock sur l’Ukraine les 15 et 16 juin 2024 (au lendemain du sommet du G7 en Italie), est de considérer que la Confédération est hors-jeu sur le potentiel règlement du conflit en Ukraine. La tenue probable de la rencontre entre Trump et Poutine en Arabie saoudite est interprétée comme la preuve. Logique: le fait de ne pas avoir adressé d’invitation à la Russie, alors qu’il s’agissait de parler de paix, a provoqué la colère de Moscou. Impossible, dans ces conditions, d’imaginer une poursuite de ce processus du Burgenstock, que la Suisse, d’ailleurs, «n’envisageait pas» selon des sources diplomatiques, même si «un suivi ministériel et technique avait été annoncé» à l’issue de cette rencontre, conclue par une déclaration signée par 80 pays et institutions, mais non paraphée par des pays aussi importants que l’Inde ou le Brésil.

Alors, de quoi parler, en Suisse, entre les États-Unis et la Russie? Au moins deux sujets sont évoqués en coulisses. Le premier est récurrent, et il permet à la diplomatie helvétique d’avoir toujours une porte ouverte à Washington: l’Iran, où la Confédération représente les intérêts des Etats-Unis depuis 1980. «Là, le rôle de la Suisse est calé, et pour l’heure pas remis en cause par l’administration Trump juge un ancien ambassadeur Suisse. Or la question iranienne est au cœur de nombreux dossiers stratégiques pour l’équipe du Président Trump. Avec, en tête, la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza bien sûr, le Hezbollah au Liban et en Syrie voisine, l’approvisionnement militaire de la Russie en drones Shahed fabriqués en Iran.

Désarmement nucléaire

Plus décisif encore pour l’équilibre mondial, un autre sujet peut, selon des sources diplomatiques, avoir été au menu de rencontres russo-américaines en Suisse: le désarmement nucléaire (et la non-accession de l’Iran à la bombe atomique). Donald Trump a, le 13 février, déclaré à la presse qu’il souhaitait «relancer les négociations sur le contrôle des armements nucléaires avec la Russie et la Chine» et qu’il espérait qu’à terme, «les trois pays pourraient convenir de réduire de moitié leurs énormes budgets de défense».

Toujours les yeux rivés sur les dépenses militaires, le locataire de la Maison-Blanche «a déploré les centaines de milliards de dollars investis dans la reconstruction de la dissuasion nucléaire du pays […] Il n’y a aucune raison pour nous de construire de toutes nouvelles armes nucléaires, nous en avons déjà tellement. Vous pourriez détruire le monde 50 fois, 100 fois. Nous dépensons tous beaucoup d’argent que nous pourrions consacrer à d’autres choses qui sont en réalité, espérons-le, beaucoup plus productives».

Parler d’Iran en Suisse, là où ont été menées en 2015 les négociations de Lausanne sur le nucléaire iranien, cela fait sens. Parler de nucléaire à Genève, là où se tient la Conférence des Nations unies sur le désarmement, avec tout ce que cela suppose d’expertise, c’est aussi cohérent. L’Ukraine? Rien n’empêche bien sûr d’en discuter, même si le blocage de Moscou envers Berne semble, depuis l’adoption par la Suisse des sanctions européennes deux jours après le début des hostilités, semble irrémédiable.

La Suisse hors-jeu entre la Russie et les Etats-Unis? Non. Mais le terrain helvétique n’est pas propice à tous les pourparlers, mêmes secrets. Et même s’il s’agit de diplomatie dite parallèle.

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