Négociations américano-russes à Riyad
Comment l'Arabie saoudite fait de l'ombre à la diplomatie suisse

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio et son homologue russe Sergueï Lavrov se sont rencontrés mardi dans la capitale saoudienne pour des négociations de paix. Un revers cuisant pour la Suisse - pour trois raisons.
Publié: 20.02.2025 à 18:04 heures
Le secrétaire d'État américain Marco Rubio (deuxième à partir de la gauche) et son homologue russe (à droite) se sont rencontrés mardi à Riyad, en Arabie saoudite, pour discuter de l'Ukraine.
Photo: keystone-sda.ch
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Samuel Schumacher

L'Arabie saoudite est la Suisse du XXIe siècle. Le royaume s'accroche courageusement à sa neutralité, accumule des richesses en masse grâce à des affaires (parfois douteuses) et s'impose comme la première adresse pour les affaires diplomatiques délicates. Dernier exemple en date: la rencontre entre le secrétaire d'État américain Marco Rubio et son homologue russe Sergeï Lavrov.

La rencontre entre les deux hommes a marqué le début de longues négociations nécessaires pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Les fleurs blanches sur la table seraient le signe avant-coureur symbolique des colombes qui devraient, un jour, s'élever au-dessus des champs de bataille.

Quel que soit le résultat final de ces échanges entre superpuissances (jusqu'à présent sans participation de l'Ukraine et de l'Europe), une chose est d'ores et déjà sûre: la Suisse fait partie des perdants de la rencontre de Riyad de mardi, et ce, pour trois raisons.

1

La Suisse n'est plus assez forte

Sur la scène diplomatique, notre petit pays a mené une danse très remarquée pendant des décennies. Notons la rencontre entre Vladimir Poutine et l'ancien président américain Joe Biden, c'était le 16 juin 2021 à Genève. Joe Biden avait fait le voyage pour botter les fesses à son homologue, et ce, avant même que la guerre n'éclate. Aujourd'hui, il n'est plus question de menaces théoriques – la guerre est bien réelle. Mais cette ère est révolue: la diplomatie se déplace progressivement vers l'Arabie saoudite. Malgré sa position semi-neutre vis-à-vis de la Russie, la Suisse n'est plus un terrain de jeu diplomatique.

La conférence de paix du Bürgenstock 2024, présentée en grande pompe, n'a amené aucun effet concret. La ministre de la Défense Viola Amherd avait souligné à l'époque que, malgré un mandat d'arrêt international, Vladimir Poutine ne risquait pas d'être arrêté s'il assistait à un futur sommet de paix. Elle n'avait toutefois pas envoyé d'invitation au président russe.

D'ailleurs, l'annonce d'un investissement saoudien de 600 milliards de dollars aux Etats-Unis a probablement convaincu Donald Trump de choisir Riyad comme lieu de diplomatie.

2

Isolé dans un groupe divisé

L'Europe continue de se chercher dans l'ère Trump 2.0. Lors d'une réunion de crise convoquée lundi à Paris par le président français Emmanuel Macron, les poids lourds européens n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur l'envoi de leurs armées en Ukraine afin garantir un cessez-le-feu. Pourtant, Donald Trump a clairement indiqué que cette guerre était l'affaire des Européens.

Mais contrairement à la France et à la Grande-Bretagne, qui envisagent éventuellement d'envoyer leurs soldats, l'Allemagne, l'Italie et la Pologne, qui dispose d'un équipement militaire de pointe, s'y opposent fermement. La Suisse, qui n'a pas été invitée à Paris par le président de la République, n'envoie même pas de gilets pare-balles en Ukraine. La neutralité de la Confédération est trop sacrée.

Avec cette posture, la Suisse se retrouve isolée en Europe – avec l'Autriche et le Liechtenstein. Une position difficile face à la solidarité européenne, dont on dépendra de plus en plus après la disparition de l'allié américain.

3

Nouvelle vague de réfugiés

La semaine dernière, les Etats-Unis ont assuré que l'Ukraine devra renoncer au moins à une partie des territoires perdus au profit de la Russie. Les millions de personnes originaires de ces régions seront donc privées de leur patrie pour une durée indéterminée. Mais beaucoup de ces Ukrainiens vivent déjà en Europe occidentale et y resteront probablement.

Mais une partie d'entre eux résisteront… dans l'espoir d'une victoire ukrainienne. Le jour où le Donbass et les territoires occupés du sud du pays seront sous contrôle russe, ces citoyens prendront probablement la fuite vers l'ouest. L'Europe pourrait faire face à une importante arrivée de réfugiés. Avec son statut de protection S, la Suisse est une terre d'exil pour les réfugiés ukrainiens. Un «accord de paix» à la Trump mettrait une nouvelle fois la solidarité helvétique à l'épreuve.

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