L'Europe peut-elle revenir dans la course?
Trump fait le jeu de Poutine… et à la fin, c'est la Chine qui gagne

Les discussions de paix entre les Etats-Unis et la Russie progressent. Alors que l'Europe reste en marge du processus, la Chine se frotte les mains.
Publié: 21.02.2025 à 11:30 heures
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Donald Trump veut instaurer la paix en Ukraine, mais à quelles conditions?
Photo: IMAGO/Newscom / AdMedia
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Janine Enderli

Les discussions de paix entre les Etats-Unis et la Russie s'intensifient, et l’Europe semble en dehors du processus. Le président américain Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine se préparent à se rencontrer avant la fin du mois. Les premiers entretiens ont eu lieu à Riyad (Arabie saoudite). L'Europe n'était pas présente à la table des négociations et pour Kiev, les décisions qui pourraient en découler risquent d'être douloureuses. Il est déjà question de concessions territoriales. Si la paix est effectivement signée, elle devrait être favorable à Poutine.

Comment en est-on arrivé là? L'Europe est-elle responsable de la situation actuelle? «Le Vieux Continent a effectivement commis plusieurs erreurs», analyse Remo Reginold, directeur du Swiss Institutes for Global Affairs (Siga) pour Blick. D'une part, les Etats européens se sont appuyés pendant des décennies sur le grand frère américain. «Nous avons peut-être vécu trop longtemps dans une zone de confort.»

L'Europe à la traîne

Mais la raison principale de la position marginale de l’Europe est ailleurs selon l'expert: «L'Occident a été rattrapé par une nouvelle conception de l'ordre international», explique Remo Reginold. «Les alliances qui étaient autrefois fiables ne fonctionnent plus.» Mais ce phénomène n'a pas commencé avec Trump. Depuis longtemps déjà, de grands acteurs comme les pays des Brics poursuivent une stratégie de «frenemy» (mot-valise du mot «friend» (ami en français) et «ennemy»)

Concrètement, «on travaille ensemble dans certains domaines, pas dans d'autres. C'est une image beaucoup plus dynamique», explique l'expert. Selon lui, ce décalage rend également possible la coopération avec des Etats comme l'Arabie saoudite. L'image classique d'un ordre politique international marqué par des valeurs communes appartient en revanche à l'histoire. «L'Europe ne s'en est pas séparée et ne peut donc pas suivre ce rythme. Il y a une part de responsabilité là-dedans.»

A cela s'ajoute la fragmentation des Etats. Remo Reginold le souligne: «Depuis le début de la guerre en Ukraine, nous avons en Europe ce que l'on appelle des 'pays arrières' et des 'pays du front'. La compréhension de la menace dans ces deux catégories diffère fondamentalement. Les pays d'Europe de l'Est ressentent le danger réel de la guerre. Pour des pays comme la France et la Suisse, celle-ci est encore lointaine. Pourquoi changerait-on quoi que ce soit? Après tout, nous vivons encore très bien.» Selon lui, cela engendre une certaine incohérence qui affaiblit le Vieux Continent.

«Pour la Chine, c'est génial»

L'expert en géopolitique était lui-même présent à la Conférence sur la sécurité de Munich, où l'on a beaucoup discuté de l'Ukraine. Selon lui, la situation autour de l’Ukraine restera complexe, il n'y a pas encore d'idées concrètes sur les détails d'une paix. «C'est très difficile d'y voir clair. Les points actuels sont pour moi des scénarios de menace classiques.» Selon lui, il n'est pas clair s'ils seront mis en œuvre dans la pratique. 

Ce qui est certain, cependant, c’est qu’un troisième acteur profitera de la situation: «Pour la Chine, c'est génial. Ils obtiennent en fait tout ce qu'ils veulent sans rien faire.» En effet, les demandes actuelles du monde occidental correspondent aux ambitions de Pékin. «La Chine veut la paix en Ukraine, elle veut en même temps pouvoir faire du commerce avec la Russie et faire avancer ses technologies», explique Remo Reginold.

Y a-t-il donc encore un espoir pour l'Europe de redevenir un acteur sérieux sur la scène mondiale? «Je pense que les différents pays européens ont de nombreux atouts. Cette diversité pourrait constituer un avantage décisif pour l'Europe. Il suffit de les utiliser intelligemment – dans le cadre d'une stratégie commune.» L'exploitation de ces atouts dans les domaines de l'économie, de la technologie et de l'éducation pourrait signifier une voie positive pour l'Europe.

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