La ministre des Finances du PLR Karin Keller-Sutter veut rééquilibrer le budget de la Confédération. Pour cela, c’est à l’AVS qu’elle s’attaque. Son plan explosif: la Confédération devrait à l’avenir verser moins dans la caisse de l’AVS, mais la TVA devrait augmenter.
Aujourd’hui, la Confédération doit en effet assumer 20,2% des dépenses annuelles de l’AVS. Un montant considérable de 9,7 milliards de francs l’an dernier. Comme le nombre de retraités augmente, les coûts augmentent également.
«Au cours des dix prochaines années, les dépenses de l’AVS devraient croître en moyenne de 4% par an, soit nettement plus que l’économie, a averti Karin Keller-Sutter en mars dans un document que Blick s’est procuré sur la base de la loi sur la transparence. La contribution fédérale passerait donc d’un peu plus de 10 milliards en 2023 à environ 15 milliards en 2033.»
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Plusieurs milliards en moins
C’est trop pour la spécialiste de l’économie. Elle a obtenu du Conseil fédéral le mandat de proposer d’autres mesures d’allègement d’ici fin février 2024. «Le Département fédéral des finances (DFF) a reçu le mandat d’examiner, en collaboration avec le Département fédéral de l’intérieur (DFI), des variantes pour séparer le budget de l’AVS de celui de la Confédération», confirme l’administration des finances à Blick.
Dans son document, Karin Keller-Sutter esquisse la direction à prendre. L’idée est la suivante: la contribution à l’AVS doit s’orienter sur la croissance économique, concrètement sur les recettes de la TVA. Celles-ci n’augmentent que de 2,5% par an.
Si la Confédération adaptait sa contribution à l’AVS à ce rythme de croissance, elle pourrait économiser au total plus de 2 milliards de francs d’ici 2030, et même 6,5 milliards de francs d’ici 2033!
Une TVA plus élevée pour compenser
De l’argent qui manquerait à l’AVS. C’est pourquoi la conseillère fédérale envisage également une augmentation de la TVA à titre de compensation. Dans un premier temps, une augmentation d'«environ 0,2 point de pourcentage serait nécessaire d’ici à 2030», indique le document. Cela représenterait approximativement 600 millions de francs par an, qui seraient désormais à la charge des consommateurs. Ensuite, il faudrait d’autres sources de revenus.
Au sein du département de l’Intérieur du ministre socialiste Alain Berset, l’idée n’a pas été très bien accueillie: elle n’a eu aucune chance au Parlement lors des débats sur la Prévoyance vieillesse 2020, «mais le DFF peut essayer à nouveau», a commenté laconiquement le secrétariat général de M. Berset.
Querelle autour de la contribution fédérale
Ce n’est pas la première fois que Karin Keller-Sutter se querelle avec le conseiller fribourgeois. A l’origine, la ministre des Finances voulait déjà réduire la contribution fédérale à 19,9% à partir de 2025 et pour cinq ans, rapportait le «Tages-Anzeiger». Cette «mesure transitoire» aurait allégé le budget fédéral d’environ 900 millions.
Mais les documents consultés par Blick prouvent qu’elle voulait aller encore plus loin. La contribution de la Confédération ne devait en effet pouvoir être augmentée ultérieurement que «dans la mesure où les réformes relatives aux prestations allègent le budget fédéral». Au maximum aux 20,2% actuels. Mais Alain Berset avait pu repousser cette attaque contre l’AVS lors de la séance du Conseil fédéral de fin mars.
Attaque contre les rentes de veuve
Mais il n’avait pas pu contrer l’attaque contre les rentes de veuves et d’enfants. Dans ce domaine, l’approche plus dure de Karin Keller-Sutter s’est imposée. Elle a clairement fait comprendre à ses collègues que la Confédération ne pourrait être soulagée «que par des réductions de prestations». A l’avenir, une rente de veuve ne sera versée que jusqu’à ce que le plus jeune enfant ait 25 ans, comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour les veufs. Les rentes pour les enfants des retraités doivent également être revues. L’AVS devrait ainsi économiser au moins 500 millions à partir de 2026, et la Confédération au moins 100 millions.
Alain Berset s’est battu en vain pour un modèle plus doux. Il voulait épargner en grande partie les rentes de veuves qui sont versées actuellement. Pour les veuves de plus de 50 ans, une garantie des droits acquis devait s’appliquer, ce qui aurait permis de ne pas toucher à environ 95% des 174’000 rentes existantes. Dans le modèle du Département des finances, seules les veuves de 58 ans et plus – soit approximativement 84% – devraient être épargnées.
Alain Berset a plaidé pour d’autres mesures d’atténuation, comme une période transitoire de trois ans au lieu d’un. Le socialiste ne veut pas toucher aux rentes pour enfants des retraités, tandis que Keller-Sutter veut y renoncer.
«Politiquement difficile»
En vain, le département de l’Intérieur a averti que les mesures dans le domaine de l’AVS étaient «politiquement difficiles, en particulier au vu de l’histoire de Credit Suisse». Au lieu de cela, Alain Berset doit maintenant élaborer un projet de consultation d’ici fin septembre.
La variante dure visée devrait alléger l’AVS d’un bon milliard et la Confédération de 270 millions de francs d’ici le milieu des années 2030. Dans la version d’Alain Berset, cela n’aurait représenté qu’une bonne moitié.