Quel avenir pour l'Europe? En Suisse, cette question divise la société, la politique – et surtout l'économie. Des personnalités économiques comme Eva Jaisli, Caroline Forster et Yannick Berner sont d'un côté, Hans-Jörg Bertschi, de l'association des entrepreneurs Autonomiesuisse de l'autre. Les fronts se sont durcis.
Tout avait pourtant si bien commencé: il y a 25 ans – le 21 juin 1999 – la Suisse et l'UE signaient leur premier accord bilatéral, suivi cinq ans plus tard par le deuxième. Un quart de siècle plus tard, les accords bilatéraux sont toujours une histoire à succès – tout le monde est plutôt d'accord sur ce point. Mais les avis divergent sur la poursuite du développement de la voie bilatérale. Le Conseil fédéral a enterré de lui-même l'accord-cadre souhaité par l'UE, les chances de succès dans les urnes étant trop faibles.
La Suisse s'en porterait-elle mieux sans accords?
Ce sont donc les Bilatérales III qui doivent désormais prendre le relais en proposant une sorte de continuation sans faille du succès des bilatérales. Toutefois, les conditions générales ont fondamentalement changé depuis. En 1999, la Suisse sortait tout juste d'une grave récession dont elle ne s'est remise que lentement. La nouvelle réglementation des relations avec l'UE correspondait à l'atmosphère de renouveau qui régnait au tournant du millénaire.
Aujourd'hui, la Suisse est l'une des économies les plus fortes du monde. Mais ce succès aurait-il été possible sans les accords bilatéraux? «Probablement pas, répond l'historien de l'économie Tobias Straumann. Mais la question est de savoir dans quelle mesure la situation de la Suisse serait pire sans les Bilatérales.»
A l'heure actuelle, la voie bilatérale a, elle aussi, ses défauts: «Il manque par exemple une clause de sauvegarde dans la libre circulation des personnes. Cela permettrait de mieux gérer l'immigration, notamment lors des années particulièrement fortes», poursuit Tobias Straumann.
Les partisans se sont réveillés
Le problème est le suivant: l'UE exige une automatisation des relations, mais cette demande repousse de nombreux Suisses qui craignent pour leur autonomie et leur démocratie directe. «Pour l'UE, les Bilatérales ne sont qu'une étape intermédiaire sur la voie d'un accord-cadre, explique encore Tobias Straumann. C'est la seule raison pour laquelle nous avons obtenu d'aussi bonnes conditions dans les différents accords.»
Le soutien à la poursuite de la voie bilatérale s'effrite peu à peu: des voix renommées de la politique et de l'économie se sont positionné contre depuis bien longtemps. Le silence des partisans, en revanche, surprend.
Mais à l'occasion du 25e anniversaire, le camp du pour s'est réveillé. L'alliance Stark & Vernetzt, derrière laquelle se trouvent plus de 90 organisations issues de l'économie, de la science, de la politique et de la société, a attiré l'attention sur l'histoire à succès des Bilatérales en organisant cette semaine des stands dans les villes suisses. Le message est clair: il faut poursuivre sur cette voie et ficeler le prochain paquet d'accords bilatéraux.
Un pays divisé sur la question
On ne sait pas encore ce que les négociations avec l'UE donneront dans le futur. Tobias Straumann est plutôt sceptique: «Lors des négociations, il n'y aura pas de solution susceptible de réunir une majorité pour la Suisse.» Pour lui, le problème est le suivant: l'UE parle d'une seule voix – la Suisse, de plusieurs. «Non seulement l'économie, mais aussi tous les partis suisses – à l'exception de l'UDC – sont divisés sur cette question», souligne l'intéressé.
Possible donc que les Bilatérales I et II déterminent encore pendant un moment nos relations avec l'Europe: «Est-ce vraiment si grave de continuer à appliquer les accords existants et d'encaisser de temps en temps quelques coups d'épingle?», demande Tobias Straumann. L'avenir nous le dira.