Que fait la ministre de la Culture?
Le cinéma suisse manque de moyens pour accueillir des tournages sur son territoire

Le producteur de cinéma Karl Spoerri, fondateur du Festival du film de Zurich, fait désormais les gros titres. La raison? Il s'en prend à la politique culturelle suisse et notamment à l'aide financière accordée au septième art.
Publié: 29.12.2024 à 14:45 heures
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Karl Spoerri, producteur zurichois trouve l'aide au cinéma suisse trop rigide.
Photo: Getty Images for ZFF
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Raphael Rauch

Son projet de film «Switzerland» du réalisateur Anton Corbijn a reçu, après l'Office fédéral de la culture, un refus de la part de la promotion du cinéma zurichois.

Dans un entretien avec Blick, Karl Spoerri déclare: «Ce film est un projet international avec l'actrice oscarisée Helen Mirren et la star montante Alden Ehrenreich. Ce qui m'importe, c'est l'avenir de la place cinématographique en Suisse. Si de grands projets internationaux veulent voir le jour, nous devons assouplir l'encouragement du cinéma et le considérer davantage comme une promotion de notre économie.»

En raison des coûts élevés des tournages en Suisse, le secteur du cinéma a besoin de subventions. Cette année, le réalisateur britannique Nick Hamm a par exemple préféré tourné cette année son Guillaume Tell dans le Tyrol du Sud et à Rome. Oliver Stone a montré en 2010 dans «Wall Street II» un faux Zurich avec des trams rouges, tourné à Prague. Les scènes zurichoises de «La Mémoire dans la peau» proviennent également de la capitale tchèque. Le tournage de «House of Gucci» avec Lady Gaga n'a pas eu lieu à Saint-Moritz, dans les Grisons, mais dans le Val d'Aoste italien.

La fausse Suisse de l'étranger

Le projet «Switzerland» de Karl Spoerri porte sur l'Américaine Patricia Highsmith, auteur des légendaires romans «Le talentueux Mr Ripley». Pour payer moins d'impôts, elle s'est installée au Tessin en 1981. Sa tombe à Tegna est considérée comme un passage obligé pour les fans de Patricia Highsmith du monde entier.

Pour le film, Karl Spoerri voulait tourner des étapes de la vie de la romancière en Suisse. «Nous voulions montrer Zurich, les Alpes et le Tessin dans toute leur beauté et ne pas tourner une fausse Suisse à l'étranger», explique le producteur. Avec les refus de l'Office fédéral de la culture (qui aurait pu fournir 200'000 francs) et de la Zürcher Filmstiftung (300'000 francs), le tournage en Suisse s'annonce difficile.

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Nous ne pourrons faire que très peu de choses à Zurich, peut-être deux ou trois jours de tournage au maximum. (...) Nous perdons ainsi un projet avec un fort lien local
Karl Spoerri, producteur de cinéma
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«Nos partenaires anglais ont décidé de tourner la maison de Patricia Highsmith, la gare de Locarno et le fameux Val Verzasca en majorité en Italie et en Grande-Bretagne, explique Karl Spoerri. Nous ne pourrons faire que très peu de choses à Zurich, peut-être deux ou trois jours de tournage au maximum. Nous perdons ainsi la possibilité de réaliser le film en tant que coproduction suisse et en tant que film suisse. Et nous perdons aussi un projet avec un fort lien local et des investissements économiques réels de 1,75 million de francs. Sans parler de l'effet touristique. C'est très dommage!»

Critique de l'aide au cinéma suisse

Karl Spoerri demande aujourd'hui à la ministre de la Culture Elisabeth Baume-Schneider de revoir sa copie. Comme en Autriche ou dans les pays scandinaves, l'aide au cinéma suisse a besoin d'une plus grande marge de manœuvre qui permettrait de tourner des films avec des budgets plus importants sur son territoire. «Ce n'est qu'ainsi que la Suisse, en tant que pays de cinéma, trouvera son public et gagnera en pertinence au niveau international».

Karl Spoerri critique également le fait que les jurys ont encore trop de pouvoir dans l'encouragement du cinéma: «Ils se basent sur des règles administratives et non sur le public et le marché. Au final, personne ne prend ses responsabilités. Il serait préférable d'avoir un intendant fort, qui prenne des décisions courageuses et en assume la responsabilité». Karl Spoerri dit connaître «des talents exceptionnels qui aimeraient tourner davantage en Suisse. Mais la Suisse, en tant que pays de cinéma, a la réputation d'être presque impossible à réaliser des productions de grande envergure – notamment en raison de la rigidité de ses structures, qu'il est urgent de briser».

L'Office fédéral de la culture veut mieux communiquer

Et que dit la ministre de la Culture? Elisabeth Baume-Schneider renvoie à Nadine Adler Spiegel, coresponsable de la section cinéma de l'Office fédéral de la culture. «Nos moyens sont limités, nous ne pouvons pas encourager tout ce que nous aimerions encourager.»

Elle annonce toutefois que l'encouragement du cinéma suisse va changer. Il devrait être étendu à l'ensemble de la production audiovisuelle, donc aussi aux séries ou aux formats de réalité virtuelle. Les détails devraient être présentés en janvier lors des Journées de Soleure et entrer en vigueur en 2026.

En outre, Nadine Adler Spiegel rejette la critique du système de jury: «Aucun système n'est parfait, mais un système de jury a de nombreux avantages». Elle estime néanmoins que le processus d'évaluation devrait être réformé, même si elle ne veut pas révéler de détails. 

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