Noël, saison de fête, saison d'arnaques... Au supermarché aussi, il faut se montrer vigilant. Surtout lorsqu'on a envie de garnir sa table de beaux produits qui font rêver les convives. L'industrie agroalimentaire déborde de ressources pour manipuler le cœur festif du consommateur: recettes qui n'ont d'«artisanales» que le nom, paquets plus petits.... L'organisation Foodwatch a recensé les plus belles arnaques de Noël pour la France.
Sur les arnaques
Mais la Suisse est loin d'être épargnée! Sandra Imsand, journaliste responsable des enquêtes à la Fédération romande des consommateurs (FRC), nous décrypte ces tromperies. Histoire de déguster une bonne dinde, sans être pris pour un pigeon.
Le faux artisanal
«C'est un phénomène que l'on constate beaucoup, témoigne l'enquêtrice spécialisée. Un test que nous avions réalisé en 2017 sur les panettones révélait des recettes trop riches en sucre, en graisses, et surtout des recettes industrielles avec une liste d'ingrédients longue comme le bras!» Pas du tout artisanal, donc. Pourtant, les mots comme «traditionnel», «artisanal» ou «fait maison» sont souvent utilisés pour faire envie.
«Ce sont des allégations marketing, aucune loi ne protège ces termes, déplore Sandra Imsand. À Noël, on est prêt à mettre plus d'argent, on a envie de 'bien faire'. Notre expérience en magasin est scénarisée pour nous faire dépenser le plus possible.» Nous sommes tous sensibles à ces astuces marketing. Les Français de Foodwatch pointent du doigt le panettone Ciro, qui contient 12% d'huile de palme, ou le pain d'épices «spécial foie gras» de Brossard, qui remplace le miel par du sirop de glucose-fructose.
Le «premium», fine fleur des produits
Pour vous spoiler d'emblée, les recettes «budgets» n'ont rien à envier aux produits plus «chics», en termes de nutrition. Une enquête de la FRC a analysé 137 produits. Deux classiques de Noël sont très parlants. Le pain toast, qu'on mange avec le saumon par exemple. C'est chez Aldi que l'on trouve celui qui contient le moins d'ingrédients industriels (un seul, contre cinq pour le M-Classic American Toast). Sa composition est aussi la plus simple. Pour le fromage frais (à utiliser pour des verrines de saumon ou un cheesecake), le top, c'est Prix Garantie. Il vient de Suisse, ne contient aucun ingrédient industriel, et c'est le moins cher. Le pire de la gamme, c'est le Philadelphia.
«En magasin, notre regard est attiré par ce qui est à hauteur d'yeux, ou plus haut, décrypte la journaliste. Le bas prix, c'est tout en bas. Pourtant, ces produits sont de qualité équivalente ou meilleure. C'est plus intéressant pour le porte-monnaie de faire ses courses en regardant vers le bas que vers le haut.»
Reste qu'il peut sembler limite radin d'arriver chez des invités avec un produit labellisé «le moins cher possible». La journaliste parle d'un «travail de déconstruction mentale à faire par rapport à un tabou que l'on a. Les produits budgets ne sont pas poisons... Ce qui compte, c'est la présence des proches, pas la valeur des cadeaux.» Il ne faut pas culpabiliser les consommateurs qui aiment les produits labellisés «raffinés». Simplement, se souvenir que les produits les plus chers ont rarement de meilleurs ingrédients.
La «shrinkflation»: chéri, j'ai rétréci les chocolats
Ce terme vient de l'anglais to shrink, rapetisser, et inflation, l'inflation. C'est le fait de réduire la taille d'un produit tout en maintenant, voire augmentant, son prix. Foodwatch donne l'exemple des Ferrero Rocher 'Petits plaisirs' au chocolat noir: le paquet est à 52% vide! En Suisse, il est très compliqué de documenter ce phénomène. La FRC en tout cas n'y arrive pas toute seule. «Cela signifie un suivi dans la durée d'un nombre très important de produits dans plusieurs magasins. Il nous faudrait un regard sur tous les produits du stock. C'est très utile quand un consommateur nous le signale.»
En France, la Brigade de répression des fraudes fait des relevés à ce sujet, sur mandat des autorités. «C’est aussi le cas d’autres pays, qui ont pris la shrinkflation très au sérieux, d’autant plus durant cette période inflationniste, indique la responsable des enquêtes. En Suisse, il n’y a pas de raison que le phénomène soit moins marqué que chez nos voisins.»
Les distributeurs ne souhaitent visiblement pas non plus être transparents et fournir à la FRC leurs augmentations de prix. Ce qui amène l'enquêtrice conso à casser un mythe au point suivant.
En Suisse, tout est beau, tout est bio
«La législation suisse protège beaucoup moins les consommateurs qu'ailleurs en Europe, annonce d'emblée la collaboratrice de la FRC. Notre pays est en retard. Nous adoptons les changements positifs de nos voisins, en retard!» Sandra Imsand souhaite en finir avec «cette image d'Épinal».
Les produits laitiers, la crème double, les délicieux fromages: allez, c'est les fêtes, on craque. Mais nos produits ne sont pas nutritionnellement meilleurs que ceux de nos voisins et cela vaut la peine de vérifier ce que l'on achète. Les pommes suisses qui ne sont pas bio sont par exemple «énormément traitées». C'est également parce que nos règlementations sont plutôt laxistes qu'il est très difficile de traquer les industriels qui vendent de l'air (littéralement) dans leurs emballages. «On est le pays d’Heidi, des pâturages, mais la réalité du supermarché est loin de cette image de carte postale.»