Est-il possible d’identifier d’où vient un vin, et même son année de récolte, grâce à la science et la technologie? La réponse est désormais oui. Une équipe de chercheurs rattachés à l’université de Genève vient de publier une étude dans la revue «Communications Chemistry» et ses résultats sont formels: chaque vin a une «identité chimique» qu’il est possible de reconnaître. Et une intelligence artificielle bien entraînée peut alors deviner avec beaucoup de précision d’où vient le vin exactement, et même, dans la moitié des cas, son millésime.
Comment ont-ils fait? Les chercheurs, qui ont travaillé en partenariat avec l’Université de Bordeaux, ont pris 80 vins rouges issus de 7 domaines viticoles bordelais différents et récoltés entre 1990 et 2007. Ils ont ensuite réalisé sur chacun d’entre eux une analyse chimique «commune et abordable». Du moins pour des chercheurs en chimie, parce qu’il n’est pas certain que la «chromatographie en phase gazeuse» et la «spectrométrie de masse à ionisation électronique» soient vraiment quelque chose de «commun» pour vous et moi. Mais qu’importe. Ces analyses ont permis de récolter plein de données.
Pour les traiter et les comparer, les scientifiques ont fait appel à une intelligence artificielle. Celle-ci a ensuite été capable de retracer, pour chaque vin, son domaine d’origine. Dans 50% des cas, elle a même déterminé l’année de récolte sans se tromper. «Cela suggère que les domaines ont des identités distinctes», écrivent les auteurs de l’étude. «Et bien que des experts en vin le pensent [...] c’est la première fois que c’est chimiquement prouvé.»
Une application pour lutter contre la fraude
Mais à part frimer, à quoi sert donc une telle trouvaille? Les chercheurs encouragent à utiliser l’intelligence artificielle pour seconder les experts en vin lors de dégustations et d’exercices de reconnaissance. Très concrètement, cela pourrait servir à lutter contre les contrefaçons. Car celles-ci ne sont pas rares. En 2022, la gendarmerie française a interpellé une vingtaine de personnes dans le Médoc, près de Bordeaux, soupçonnées d’avoir participé à un vaste trafic de vin. Un propriétaire de vignoble se procurait du jus bas de gamme avant de le mettre en bouteille et de l’étiqueter comme des Medocs. Plusieurs centaines de milliers de bouteilles, selon les autorités françaises, ont ainsi été falsifiées.
La fraude la plus connue reste la fameuse affaire Rudy Kurniawan, du nom de cet Indonésien de 37 ans qui s’est fait passer pendant des années pour un expert. Le négociant en vin, installé en Californie, avait en fait monté un véritable laboratoire de contrefaçon et vendait à prix d’or, en les faisant passer pour des grands crus français, des mélanges de vins douteux. En 2014, le «Dr Conti», ainsi surnommé parce qu’il était passionné par le Romanée-Conti, a été condamné à dix ans de prison et 28,5 milliards de dollars d’amende. Avec une IA, il aurait sûrement été confondu avant de faire des centaines de victimes.