Il est censé faire le ménage: António Horta-Osório, président fraîchement élu de Credit Suisse, devait provoquer un changement de valeurs au sein de la deuxième banque de Suisse après l’ère Tidjane Thiam et les multiples scandales qui ont entaché la réputation de l’institution financière. Sa mission semble toutefois compromise: nos révélations sur sa violation de quarantaine mettent à mal sa probité.
Pour rappel: le banquier n’a pas respecté une quarantaine en revenant de Londres fin novembre, alors que la Suisse avait ajouté la Grande-Bretagne dans sa liste de pays à risque. Il aurait dû rester dans son domicile de Wollerau, dans le canton de Schwyz. Trois jours plus tard, il a pourtant repris l’avion en direction de la péninsule ibérique. Cela constitue une infraction claire à la loi sur les épidémies, ce qu’il a lui-même reconnu, puisqu’il s’est dénoncé aux autorités.
Une excuse désastreuse
Mais au-delà de son manquement, c’est son comportement une fois l’affaire révélée qui pourrait lui nuire. Dans un communiqué, il explique avoir «involontairement enfreint les dispositions suisses en matière de quarantaine en quittant prématurément le pays le 1er décembre. Je regrette sincèrement cette erreur. Je m’excuse et je ferai en sorte que cela ne se reproduise plus.»
La question est la suivante: peut-il réellement avoir «involontairement» violé la quarantaine? Pouvait-il réellement ignorer les règles en vigueur? C’est ce qui semble peu probable. Nous écrivions en effet que le président du Conseil d’administration avait entamé des démarches importantes en vue d’obtenir une dérogation ou une réduction de quarantaine. Il est même allé jusqu’à mandater l’ancien conseiller aux États PLR et médecin Felix Gutzwiller comme intermédiaire auprès des autorités cantonales et fédérales. Il avait essuyé un refus catégorique: il était obligé de rester chez lui dix jours.
Nos sources au sein de la banque affirment que son départ abrupt a immédiatement alerté à l’interne. Les instances de contrôle auraient intimé António Horta-Osório de signaler l’infraction à l’autorité de surveillance des marchés financiers Finma. S’il avait avoué qu’il avait sciemment enfreint la quarantaine, il aurait risqué l’ouverture d’une procédure. Pour éviter cela, il a choisi de déclarer qu’il n’était pas au courant de l’infraction.
Blick a pointé du doigt cette contradiction auprès de la Finma. D’habitude peu loquace, l’autorité de surveillance nous a néanmoins répondu: «nous sommes en contact avec la banque à ce sujet». Cela laisse supposer qu’elle est en train de clarifier si le président du Conseil d’administration de Crédit Suisse n’a pas menti sur sa déclaration de violation de quarantaine.
Les actionnaires pourraient révoquer le président
Outre la Finma, le président du Crédit Suisse devra également faire face au reste du conseil d’administration. Celui-ci s’est réuni hier à New York. António Horta-Osório aura probablement été confronté à des questions désagréables de la part de son vice-président, Severin Schwan, également patron de Roche. Formellement, le comité n’a pas le pouvoir de destituer le président: seule l’assemblée générale peut le faire. «Mais le conseil d’administration pourrait lui suggérer d’en tirer les conséquences», explique Peter V. Kunz (56 ans), spécialiste du droit des sociétés anonymes. «Si l’affaire est poursuivie, voire montée en épingle par les médias et les politiques, et si sa démission était exigée, le conseil d’administration ne pourra pas éviter de discuter au moins de cette possibilité», explique Peter V. Kunz. Pour lui, comme pour Monika Roth, spécialiste en «compliance», il est clair que «Horta-Osório ne démissionnera pas de lui-même».
Adaptation par Jocelyn Daloz