Combien d'argent nos parlementaires empochent-ils grâce à des emplois annexes? Depuis la législature en cours, les élus doivent déclarer le nombre de liens d'intérêts rémunérés qu'ils ont. Une évaluation récente a ainsi montré quels parlementaires étaient les plus grands chasseurs de postes. Mais il n'y a pas encore de transparence sur le montant des indemnités versées pour les différents mandats. Et les anciens parlementaires (qui ont toujours accès au Palais fédéral) ne sont pas concernés.
La définition même de ce qui est ou non un poste rémunéré n'est pas claire. La conseillère nationale argovienne du Centre Ruth Humbel a récemment été désignée à tort par Lobbywatch comme la personne ayant prétendument le plus de mandats rémunérés. Lobbywatch a présenté ses excuses.
Les ex-parlementaires libres comme l'air
Alors que les politiciens fédéraux actifs indiquent désormais leurs «fonctions», les anciens parlementaires ne sont pas soumis à cette règle. Ceux qui quittent la scène en tant que conseillers aux Etats ou conseillers nationaux peuvent continuer à aller et venir au Palais fédéral, grâce à un badge pour les anciens. Celui qui dispose d'un tel badge après sa carrière politique se garde bien de le crier sur les toits. Même s'il est utilisé pour faire du lobbying.
A plusieurs reprises déjà, on a tenté, en vain, de retirer ce privilège aux parlementaires démissionnaires ou déchus. Il ressort par exemple d'une intervention de Thomas Minder (sans parti) que l'ancien conseiller national Gerold Bührer (PLR) a tout à fait apprécié l'accès au Palais fédéral en tant que président de l'association faîtière Economiesuisse après sa carrière politique. Lors de la dernière session, le maire de Berne et ancien conseiller national Alec von Graffenried (Les Vert-e-s) a également été aperçu sur le balcon de la salle des pas perdus en train de chercher à discuter avec une conseillère nationale.
Une liste... tout simplement disparue
L'Association des anciens membres de l'Assemblée fédérale (AAEMB) se montre, elle aussi, discrète. Les anciens parlementaires y deviennent automatiquement des proches lorsqu'ils quittent leurs fonctions. L'objectif de ce petit groupe de retraités est de «réunir d'anciens membres de l'Assemblée fédérale suisse et d'entretenir entre eux des contacts amicaux». Mais depuis peu, ses membres sont tenus secrets. Pendant des années, la liste des membres de l'association a été publiée et actualisée chaque mois sur le site Internet du Parlement. Elle a désormais disparu.
Blick a néanmoins voulu savoir qui prenait part au groupe. Sur le site du Parlement, on pouvait lire jusqu'à récemment: «La liste des membres peut être commandée par e-mail». Après la demande de Blick, la phrase en question a été retirée du site et l'accès a été refusé. Il s'agit d'une association privée, il n'y a pas d'intérêt public, explique-t-on à l'administration fédérale.
D'anciens politiciens ont fait des réclamations
Pourquoi cette discrétion soudaine alors que l'association avait auparavant affiché ses membres pendant des années? «En raison de l'absence de base légale, respectivement de l'absence d'accord des membres de l'AEMB pour la publication, la liste a été retirée du site Internet après consultation du président», répond le fonctionnaire responsable aux Services du Parlement, interrogé à ce sujet. Autrement dit: certains membres ont réagi négativement à la publication de la liste. Des données sensibles comme des numéros de téléphone y figuraient probablement.
Le président de l'AEMB est Filippo Lombardi, un fonctionnaire sportif très actif et ancien conseiller aux Etats PDC. Lui-même occupe encore aujourd'hui près de 20 mandats d'administrateur. Interrogé, il dit ne pas savoir pourquoi la liste n'est plus publique. Il va toutefois enquêter sur cette affaire.
Le secret qui entoure les anciens parlementaires ne plaît pas au conseiller aux Etats PLR Andrea Caroni. Surtout en ce qui concerne l'accès au Palais fédéral. «Il manque à ce jour une base juridique ainsi qu'une raison objective pour que les anciens parlementaires puissent avoir accès au Palais fédéral et y faire du lobbying de manière opaque», déclare le juriste.
Les parlementaires ne veulent rien changer
Andrea Caroni avait donc demandé au Parlement l'introduction d'un système d'accréditation pour les lobbyistes au Palais fédéral. Selon ce système, tous les lobbyistes travaillant dans le bâtiment du Parlement auraient dû faire connaître leurs mandants.
Le Conseil national a rejeté cette idée, tout comme la demande de Andrea Caroni de restreindre l'accès aux anciens parlementaires. «Trop de parlementaires en exercice ont pensé que ce badge d'accès pourrait leur être utile un jour, même après leur mandat». Sans doute en pensant à eux-mêmes, les élus se sont prononcés contre des règles plus strictes pour les anciens parlementaires, suppose Andrea Caroni.
Officiellement, un seul fait du lobbying
Une plus grande transparence des représentants d'intérêts est une vieille revendication au Palais fédéral. Dans certains domaines, des règles plus strictes ont été imposées: La liste des personnes qui reçoivent une carte d'accès d'un membre du Conseil par le biais du «système de parrainage» peut ainsi être consultée sur Internet depuis 2012. Avant cela, c'était également un secret.
Les lobbyistes peuvent aussi adhérer volontairement à la Société suisse de Public Affairs (Spag). Cette association défend les intérêts des lobbyistes et les rend transparents. Celui qui y adhère doit déclarer ses liens d'intérêts. Sur la liste de plus de 240 membres, on trouve aujourd'hui une seule ancienne parlementaire: Regina Ammann, qui a siégé moins d'un an au Conseil national en 1999 pour l'Alliance des indépendants. Aujourd'hui, elle fait officiellement du lobbying pour le fabricant de produits agrochimiques Syngenta.
Ruth Humbel demande de la cohérence
«Je connais des politiciens qui ne déclarent pas du tout un poste inférieur à 2000 francs de frais», regrette la conseillère nationale Ruth Humbel, qui a permis au portail en ligne Watson d'avoir un aperçu des revenus de ses mandats: il s'agit de 65'000 à 75'000 francs par an.
Le lobbying et la représentation d'intérêts sont actuellement évalués différemment selon les positions politiques, explique-t-elle à Watson, en concluant: «Les fonctionnaires d'associations et de syndicats devraient également devoir déclarer leur activité avec rémunération».