Vous avez un autocollant «publicité non merci» sur votre boîte aux lettres? Alors peut-être avez-vous récemment reçu un mystérieux courrier envoyé par La Poste. Cette dernière invite dans sa missive les destinataires à retirer ce fameux sticker pour bénéficier «de nombreux avantages» sous forme de «bons aux échantillons de produits» ou «d’invitations à des événements passionnants». En clair: une publicité, qui cible spécifiquement celles et ceux qui ne souhaitent pas en recevoir.
Cette action étonnante est désormais dans le viseur de la Fédération romande des consommateurs (FRC), annonce-t-elle en primeur à Blick. La puissante organisation vient de déposer une plainte contre le géant jaune auprès de la Commission suisse pour la loyauté, un organisme d'autocontrôle de la publicité, après avoir reçu une dizaine de réclamations venues de toute la Suisse romande.
Publicité «agressive» et «déloyale»
Ce qui poserait problème? «La constitution de fichiers ciblant les destinataires refusant la publicité pour les inciter à changer d'avis interroge sous l’angle de la loi sur la protection des données», estime Jean Tschopp, responsable du service juridique de l’association.
Celui qui est par ailleurs député socialiste au Grand Conseil vaudois cite aussi la loi contre la concurrence déloyale: «On peut y voir une forme de publicité agressive, mais surtout déloyale, puisque La Poste bénéficie des adresses de tout le monde, au contraire des autres entreprises de ce pays.»
À lire aussi
Sur le fond, «l’opposition à la publicité exprimée sans détour par les consommatrices et les consommateurs doit être respectée, tonne le juriste. L’envoi de courrier adressé ne doit pas devenir le moyen de s’y soustraire.» Objectif: «Nous voulons faire cesser cette pratique.»
Il tance aussi La Poste en sa qualité d'entreprise publique. «On est en droit d’attendre de sa part un peu plus de considération pour les choix des gens qui évoluent dans un environnement rempli d’injonctions publicitaires et qui cherchent à en protéger leur boîte aux lettres, un espace de vie privée, vitupère-t-il. Le succès rencontré par l’autocollant 'Non merci, pas de publicité!' de la FRC montre d'ailleurs à quel point les consommatrices et les consommateurs y sont sensibles. Rien que depuis le début de l'année, la FRC a reçu entre 200 et 250 commandes.»
La Poste défend ses pratiques
Contactée et confrontée ce mercredi, La Poste nous assure ne pas avoir connaissance d'une plainte. Elle ne la commentera pas. «Si la Commission suisse pour la loyauté nous contacte, nous examinerons bien entendu avec beaucoup d’attention les contenus d’une éventuelle plainte et prendrons position directement vis-à-vis de la Commission», écrit dans un e-mail la porte-parole Nathalie Dérobert.
Plus globalement, elle affirme que le géant jaune respecte la volonté des personnes qui ne souhaitent pas recevoir d’envois publicitaires non adressés. «Si quelqu’un a apposé un autocollant 'Non merci — pas de publicité' sur sa boîte aux lettres, les factrices et facteurs ne déposeront pas de publicité non adressée dans cette boîte aux lettres, soutient la communicante. En ce qui concerne le courrier mentionné, il s’agit d’un envoi adressé. La publicité adressée est distribuée même si un autocollant est apposé sur la boîte aux lettres.»
Une exception impossible à contourner? Rassurez-vous. «Les personnes qui ne souhaitent pas recevoir de publicité adressée peuvent s’inscrire sur la 'liste Robinson' tenue par l’Association suisse de marketing direct (SDV), glisse encore Nathalie Dérobert. Les personnes inscrites n'en recevront plus.»
À noter enfin que près de la moitié du volume des envois traités par la Poste sont des envois non adressés, en grande majorité des publicités. La raison? «Ils contribuent à financer le service universel et à garantir des emplois (facteurs courrier): environ 500 postes à plein temps à La Poste dépendent des envois publicitaires, ajoute la porte-parole. Les envois publicitaires contribuent aussi à l’offre d’emplois dans les PME suisses et leur permettent d’atteindre directement les ménages.»