Lorsqu’elle ouvre son courrier ce 15 mars, Véronique* tombe des nues. Une lettre l’invite à régler, dans les quinze jours, 3,19 euros et 12,23 euros de frais pour le non-paiement de quatre péages lombards en… 2018. La missive et la facture, rédigées en français, émanent d’une société de recouvrement basée à Milan — Gestione Rischi S.r.l.u — mais le numéro de téléphone indiqué est français.
Elle croit d’abord à une entourloupe. «J’ai été très surprise, raconte cette lectrice de Blick, âgée de 69 ans. C’est rare de recevoir une amende cinq ans plus tard. Et pour un si petit montant!» Son adresse est toutefois la bonne, le numéro d’immatriculation de son véhicule aussi, et elle était bien dans la région du lac Majeur à ces dates-là.
Dans le doute, elle se rend dans un poste de police de la ville de Fribourg le lendemain: «Là, deux agentes m’ont dit que c’était une arnaque, sans hésiter. Elles m’ont aussi expliqué que cinq autres personnes étaient déjà venues les voir à ce sujet.»
Mea culpa de la police
Ce lundi, la police cantonale fribourgeoise fait son mea culpa. «Votre lectrice a peut-être eu affaire à des agentes pas suffisamment au courant de la situation et nous lui présentons nos excuses, amorce Gino Frangone, porte-parole, au téléphone. Je peux vous confirmer qu’il ne s’agit pas d’une escroquerie et nous rejoignons complètement le communiqué de la police cantonale valaisanne émis à propos de ces courriers. Nous encourageons les destinataires à vérifier les infractions qui leur sont reprochées et à payer les factures ou à s’y opposer dans le délai indiqué.» Les forces de l'ordre fribourgeoises ont été alertées une quinzaine de fois.
A lire aussi
Avisée à plus de 30 reprises par des citoyennes et citoyens, la police cantonale valaisanne confirme la véracité de ces contraventions d’une vingtaine d’euros en moyenne, comme l’a relayé «Le Nouvelliste» vendredi en fin de journée. Dans le détail, ces impayés concernent les autoroutes A36, A59 et A60, situées dans le nord de l’Italie, non loin de Milan. Plus précisément, deux principaux tronçons, d’une centaine de kilomètres.
Jusqu’en 2015, ces portions, propriétés d’Autostrada Pedemontana Lombarda, étaient gratuites. Depuis, elles sont soumises à péage. Mais, et c’est peut-être là le cœur du problème, ces bouts d’autoroute ne sont pas délimités par des barrières physiques. Des panneaux avertissent cependant les conductrices et conducteurs qu’il est nécessaire de s’annoncer sur le site www.pedemontana.com dans les quinze jours après son passage pour régler son dû.
Faut-il payer les frais supplémentaires?
Cité samedi sur le site du quotidien régional, l’avocat Sébastien Fanti conseille «aux personnes ayant reçu une facture d’une société de recouvrement de la régler directement auprès de l’autorité italienne qui a prononcé la sanction». Le médiatique homme de loi, ancien préposé cantonal à la protection des données et à la transparence, s’appuie notamment sur un article de la Fédération romande des consommateurs (FRC), publié fin février à la suite d’une décision du Tribunal pénal fédéral. Un vacancier suisse avait reçu une facture de Creditreform, société de recouvrement saint-galloise, deux ans après avoir circulé avec son véhicule dans une zone à passage limité. Un recours au Tribunal fédéral est encore possible.
«Dans le cas de votre lectrice, de mon point de vue, seule la créance de base est due, tranche Jean Tschopp, responsable du secteur conseil à la FRC, joint par Blick. Et le montant doit être versé directement à l’autorité émettrice, et non à la société de recouvrement.» Ici, Autostrada Pedemontana Lombarda, société anonyme privée, qui compte des actionnaires publics. «En substance, le Tribunal pénal fédéral retient qu’en l’absence d’accord international entre la Suisse et l’Italie encadrant l’encaissement d’amendes par des Etats étrangers en Suisse, le recouvrement est réservé aux autorités étatiques», appuie le juriste, également chef du groupe socialiste au Grand Conseil vaudois.
De son côté, le Touring Club Suisse (TCS) ne donne pas tout à fait la même recommandation. Contacté par Blick, Laurent Pignot, responsable de sa communication pour la Suisse romande et la Suisse italienne, invite en général les automobilistes à prendre langue directement avec l’entité émettrice. Objectif: voir s’il est possible de lui payer le montant directement et de faire baisser les frais: «Les autorités italiennes agissent normalement toujours de la même manière. Elles envoient d’abord un premier courrier. Si la facture reste impayée, c’est là qu’elles font appel aux services d’une société de recouvrement.»
Que risque-t-on en cas de non-paiement d’une amende aux autorités italiennes? Dans son texte, la FRC lance un avertissement: «Un voyageur qui ne paie pas son amende aux autorités italiennes s’expose à des saisies de son véhicule en cas de contrôle lors d’un prochain séjour en Italie et à des sanctions et frais plus élevés encore.»
*Prénom d’emprunt, cette lectrice ayant souhaité rester anonyme