Pendant treize ans, Matilda Gracan et son mari ont vécu ensemble dans un appartement de la banlieue zurichoise. Mais en ce début d'année, alors qu'elle revient des courses, elle le retrouve… mort: pendant son absence, son mari s'est suicidé.
Depuis, la vie n'a plus la même saveur pour Matilda Gracan, qui s'appelle en fait autrement. Pendant longtemps, elle ne pouvait plus entrer dans son logement. Ce n'est que des semaines plus tard qu'elle a enfin réussi à remettre les pieds dans l'appartement pour y récupérer quelques documents importants et des affaires, mais toujours accompagnée d'une personne. Sa belle-fille parle aujourd'hui d'une «lourde charge psychique».
Dans l'habitation, il y a des choses qu'elle associe à son mari, des pièces où ressurgissent les souvenirs du passé. Matilda Gracan veut désormais quitter cet endroit le plus vite possible et a signé une demande de résiliation anticipée de bail. Tout doit aller vite.
La veuve n'a plus les moyens de payer le loyer
La veuve du défunt et les deux enfants du couple ont signé la demande de résiliation et l'ont envoyé aux propriétaires avec le livret de famille et l'acte de décès. En principe, la résiliation devrait être valable.
Pas du tout! Car la société Allreal, qui gère l'immeuble, répond alors qu'il faut un certificat d'héritier qui désigne noir sur blanc la personne ayant droit à l'héritage, afin de mettre un terme au contrat de location. Selon Allreal, outre ses propres enfants, il y aurait en effet d'autres «héritiers librement désignés ou légitimes» qui pourraient revendiquer l'appartement. Or «ces autres héritiers ne sont pas visibles dans le livret de famille. Le certificat d'héritier est essentiel pour nous», explique une porte-parole.
Problème: jusqu'à ce qu'un tel certificat d'héritier soit établi, il faut du temps. Même de simples clarifications concernant l'héritage peuvent durer plusieurs semaines. Une attente douloureuse pour Matilda Gracan. Sur le plan émotionnel. Et sur le plan financier.
Car Matilda Gracan est à la retraite depuis janvier et sans l'aide de son défunt mari, sa pension ne suffit pas à payer le loyer. Ce dernier a d'ailleurs encore augmenté après une hausse en avril et s'élève actuellement à 2300 francs, pour 2,5 pièces. Une somme dont elle ne dispose pas. De plus, l'appartement du fils et de sa femme, qui hébergent Matilda Gracan, est trop petit pour une cohabitation. Une situation inextricable pour la famille, qui se dit désespérée.
«Nous voulons simplement tourner la page»
Les propriétaires ont tort, explique Daniel Leiser, expert en droit du bail: «Immédiatement après le décès, les enfants sont automatiquement les héritiers.» Ils pourraient résilier le bail conjointement avec la mère avec le délai légal de trois mois pour la prochaine date de résiliation usuelle dans la localité. C'est également ce qu'écrit le tribunal de district de Zurich sur son site Internet.
Certes, les propriétaires pourraient exiger que les héritiers présentent ultérieurement le certificat d'héritage. Dans ce cas, si la résiliation s'avère ultérieurement non valable – parce qu'effectivement, il y aurait encore des objections de la part d'une tierce personne –, les héritiers seraient alors responsables. Mais ce n'est pas une raison suffisante pour refuser une demande de résiliation. «Le cas juridique est clair: il n'y a pas besoin de certificat pour que la résiliation soit valable», explique Daniel Leiser.
Allreal estime en tout cas que la situation est de son côté. Pour la gérance, sans certificat d'héritier, pas de résiliation. Le bailleur a toutefois proposé à la famille de publier des annonces de visites en attendant le certificat, afin d'accélérer la relocation.
Une épreuve pour la famille, toujours sous le choc après le suicide: «Le fait que la propriétaire s'obstine à exiger un document qui ressemble à une formalité prolonge la douleur pour nous tous, explique la belle-fille. Nous voulons simplement tourner la page.»