Les températures étaient proches de zéro lorsque Jörg G.* s'est retrouvé à la rue. Depuis près de six ans, l'homme habitait à Nidau, dans la banlieue de Bienne. Mais voilà qu'aujourd'hui, il doit partir: l'endroit sera bientôt transformé en entrepôt pour y sécher des bateaux. Il deviendra donc sans-abri juste avant Noël.
Sur la précarité en Suisse
Cette décision provoque des remous, même parmi les responsables communaux. Beat Cattaruzza, député au Grand Conseil bernois et conseiller municipal de Nidau en charge des finances, est furieux. Il ne comprend pas qu'une personne soit mise à la rue par «sa» commune trois semaines avant Noël: «Quand j'ai appris que l'expulsion était prévue, je leur ai dit qu'il faisait -2°C dehors et qu'il fallait bien réfléchir à ce que l'on faisait.»
Jörg G.* a désormais quitté son logement depuis début décembre. Pour Beat Cattaruzza, cette expulsion n'avait qu'un seul but: «Ils veulent tout simplement se débarrasser de lui.»
La commune évoque un problème de chauffage
Pour justifier sa décision, la commune a évoqué un chauffage défectueux dans le bâtiment, ne pouvant pas être remplacé pour le moment en raison de certaines lois cantonales, écrit le secrétaire municipal Stephan Ochsenbein, sollicité par Blick. Et une rénovation, trop coûteuse, serait «totalement disproportionnée»: «Lorsque, début 2022, on a appris que le chauffage ne survivrait pas à un autre hiver, tous les locataires ont été informés.»
D'un point de vue juridique, l'expulsion était tout à fait légale. Pourquoi intervient-elle juste avant Noël? Pour Joel Schweizer, conseiller municipal en charge des bâtiments, c'est à cause de la date d'expiration de l'autorisation d'expulsion: «Nous avons demandé cette expulsion en novembre, avant qu'il ne fasse trop froid. Mais c'est le tribunal qui décide quand elle sera accordée.»
«Dans le pire des cas, il pourrait mourir de froid»
Pour Joel Schweizer, la commune ne pouvait pas prendre le risque de laisser Jörg G. vivre dans un lieu non chauffé: «Sans chauffage en état de marche, il serait mort de froid cet hiver. L'expulsion était le seul moyen de garantir sa sécurité.» Et d'ajouter: «A posteriori, nous regrettons d'avoir attendu si longtemps pour procéder à l'évacuation. Il y a clairement eu un manque de coopération à ce niveau-là.» Depuis plus d'un an, la ville de Nidau et celle de Bienne auraient en effet essayé de trouver une solution de raccordement au chauffage pour Jörg G., «mais il a refusé toutes les offres et les entretiens qui lui ont été soumis».
Jörg G. n'est pas de cet avis: «Je n'ai jamais reçu d'offre.» Le désormais sans-abri se plaint également d'avoir été informé de la démolition du logement et de l'expulsion seulement en juin.
Certes, Jörg G. habite depuis presque six ans à Nidau, mais il est toujours inscrit à Bienne. Il est par ailleurs en contact, bien que rarement, avec un conseiller du service social local, lequel reçoit dorénavant son courrier. Beat Cattaruzza a proposé au conseiller de le contacter pour des sujets concernant le sans-abri: «Mais il n'y a jamais rien eu.»
Pour le député au Grand Conseil bernois, il s'agit surtout d'un problème au sein de l'administration et du conseil communal: «Il faut une communication transparente. Surtout quand il s'agit de personnes comme Jörg G.» Deux ans après son entrée en fonction, la situation est, selon lui, devenue intolérable. C'est pourquoi il a déposé une plainte.