Si vous ne savez ni de quelle couleur est la robe des vaches dans la vallée de la Muota, ni ce que signifie «Chlefäli», passez votre chemin: vous ne serez jamais Suisse. Du moins, si votre demande de naturalisation passe par le canton de Schwytz.
En principe, les naturalisations ne sont pas réglementées au niveau national. Chaque canton peut donc librement orienter ses examens – généralement des écrits, suivis d'auditions orales – selon son bon vouloir.
380 questions – parfois ubuesques, pour certaines – figurent ainsi au programme de l'examen soumis aux candidats par les commissions de naturalisation des communes schwytzoises. C'est ce que révèle le journal local «Freier Schweizer», qui a consulté ces questions.
Connaissez-vous la Guggenmusik?
Lors des tests, les questions sur les coutumes locales et nationales y sont particulièrement fréquentes. Comme celle-ci, posée dans la commune de Lauerz: «En Suisse, il n'y a pas de roi, sauf pour un sport typiquement suisse. Lequel?» Un mystère si l'on n'y connaît rien en lutte suisse.
A Oberiberg, les questions vont même beaucoup plus loin. Ainsi, les examinateurs exigent une définition claire du terme «Chlefäli», un instrument traditionnel en bois. De même, il est indispensable de connaître la Guggenmusik locale, ou les noms de famille les plus fréquents de la région…
Un tribunal donne raison à un candidat
D'un point de vue juridique, de telles questions peuvent poser problème. Un litige concernant une demande refusée à Arth est d'ailleurs allé jusqu'au Tribunal fédéral: le candidat à la naturalisation ne savait pas, entre autres, que les loups et les ours du parc animalier de Goldau ne vivaient pas dans le même enclos.
Le Tribunal fédéral a alors blâmé la commune pour cette question, arguant que de telles subtilités n'avaient pas leur place dans une procédure de naturalisation, et qu'il était inacceptable d'exiger des candidats un niveau de connaissance supérieur à celui des Suisses eux-mêmes.
L'experte en droit de la nationalité Barbara von Rütte abonde dans ce sens. «La naturalisation n'est ni une décision politique ni un privilège, mais un acte administratif.» Selon le droit fédéral, seul un test d'instruction civique est prévu. Les questions ne doivent donc pas «conduire à un deuxième test de connaissances déguisé».
«Portez-vous un voile?»
L'une des questions probablement les plus problématiques a été posée à Rothenthurm: «Apparemment, il est strictement interdit aux femmes musulmanes de se marier avec des hommes non-musulmans. A l'inverse, un homme musulman peut épouser une femme non-musulmane. Quelle est votre position à ce sujet? Ne trouvez-vous pas qu'il s'agit d'une discrimination et d'un rabaissement des non-musulmans?»
Dans son questionnaire, la commune aurait par ailleurs cherché à savoir si les candidates portaient le voile et si leurs filles suivaient des cours de natation. Dans le «Freie Schweizer», la secrétaire communale a pris position: «Après avoir consulté notre ancienne présidente de la commission des droits civiques, ces questions n'ont jamais été posées, soit parce qu'elles n'ont aucun sens (ndlr: celle sur la natation), soit parce qu'elles ne sont pas appropriées (ndlr: celle sur le voile).»