Des cuisines insalubres, des frigos grouillant de moisissures, des viandes mal conservées… Les pires cauchemars des clients existent bel et bien. Mais à partir de quel stade un établissement devient-il tellement dangereux qu’il doit être fermé immédiatement? Suffit-il d’un frigo encrassé ou faut-il une véritable menace pour la santé publique? Et surtout, combien de temps un restaurant peut-il rester en activité avant que les autorités ne s’en aperçoivent?
Si les fermetures immédiates restent rares, elles surviennent lorsque l’hygiène atteint un seuil critique. «Les fermetures de cuisine immédiates sont motivées par un constat catastrophique en termes d’hygiène et de production, soit une mise en danger avérée de la santé du consommateur», indique Julien Ducry, chimiste cantonal adjoint pour le canton de Vaud.
Il poursuit: «En 2024, nous avons interdit l’activité de restauration dans 44 cas». Ces interdictions ne sont levées qu’après une nouvelle inspection confirmant la mise aux normes de l’établissement.
Inspections régulières, manquements fréquents
Chaque année, entre 1500 et 1800 restaurants genevois sont contrôlés par le Service de la consommation et des affaires vétérinaires (SCAV). En 2024, 418 contraventions ont été émises, et 513 en 2023. «La contravention dépend de la gravité des manquements, mais aussi des récidives. Une situation grave peut donc générer une contravention dès les premières infractions», explique Cédric Alber, porte-parole de l’Office cantonal genevois de la santé.
Le processus est similaire dans le canton de Vaud, où les établissements doivent se soumettre à un contrôle tous les deux ans au minimum. «Les graves infractions au droit alimentaire sont dénoncées à l’autorité de poursuite pénale. En 2024, l’Office de la consommation (OFCO) a procédé à près de 2100 inspections dans le domaine de la restauration, dont 159 ont fait l’objet d’une dénonciation», indique Julien Ducry.
Pas besoin donc d’atteindre un seuil critique d’immondice pour être fermé par les services d’hygiène, du nom désuet des services de la consommation. Récidiver peut aussi conduire à la fermeture forcée.
Faut-il afficher les noms des mauvais élèves?
Lorsqu’un restaurant présente de graves manquements, le public doit-il être mis au courant? Dans d’autres pays, comme le Royaume-Uni, les établissements doivent afficher leur note d’hygiène sur la porte. Une mesure de transparence qui ne fait pas l’unanimité en Suisse. «Ce sujet a été abordé lors de la dernière révision de la loi sur les denrées alimentaires, mais le Parlement a rejeté l’introduction de telles dispositions», rappelle Cédric Alber.
Les raisons invoquées? Notamment, l’impact disproportionné pour les professionnels. «C’est une idée parfaitement incongrue, et ce, pour deux raisons, énonce Gilles Meystre, président de GastroVaud. Premièrement, la protection des consommateurs doit être garantie par les contrôles effectués par les autorités sanitaires. En cas de non-conformité, les commerçants doivent être sanctionnés, voire fermés selon le degré de gravité.»
Gilles Meystre ponctue le débat de métaphores évocatrices. «Et quoi, ensuite? L’obligation faite au monde médical d’être noté sur le nombre de rhumes mal soignés? L’obligation pour tout conducteur d’afficher le nombre d’accidents dans lesquels il était impliqué? Des contrôles et des sanctions, oui. Des mises à l’index, non merci!»