Plus de 80 pays l'ont adoptée, mais pas la Suisse
La demande d'une taxe sur le sucre gagne du terrain

Les organisations de santé et la protection des consommateurs se mobilisent pour qu'une taxe sur les boissons sucrées soit introduite en Suisse. La politique actuelle en matière de sucre est schizophrène, critique la conseillère nationale des Vert-e-s Manuela Weichelt.
Publié: 01.12.2023 à 18:40 heures
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Le Coca-Cola, le Fanta, le Red Bull et d'autres boissons sucrées sont plus fortement taxés dans de nombreux pays.
Photo: Pius Koller
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Lea Hartmann

Plus c'est sucré, plus c'est cher. Depuis plus de dix ans, la France prélève une taxe sur les boissons sucrées. Le pays a ainsi été l'un des premiers à prendre des mesures sur le sujet, inquiet des conséquences d'une trop grande consommation de sucre sur la santé. Depuis lors, plus de 80 autres pays ont introduit une taxe équivalente sur le sucre.

La Suisse n'en fait pas partie. Des demandes pour taxer les boissons sucrées ont déjà été formulées à plusieurs reprises dans notre pays, mais le Parlement les a toujours rejetées. Au lieu de cela, la Confédération mise sur la responsabilité individuelle. La taxe est réclamée par les consommateurs d'une part, mais aussi par l'industrie qui doit s'autoréguler.

Le volontariat ne suffit pas

Cette stratégie ne fonctionne pas, estime Nadine Masshardt, conseillère nationale PS et présidente de la Fondation pour la protection des consommateurs à Berne. Jusqu'à présent, l'organisation s'est montrée réticente à réclamer une taxe sur le sucre. Elle ne veut pas participer au renchérissement des aliments. «Nous ne voyons toutefpois pas de réels progrès dans la réduction volontaire du sucre», explique Nadine Masshardt. C'est pourquoi la fondation est désormais, elle aussi, favorable à la taxation des boissons sucrées, y compris celles contenant des édulcorants artificiels.

Selon Nadine Masshardt, une telle mesure serait judicieuse parce qu'elle conduirait les fabricants à réduire la quantité de sucre dans leurs boissons. En effet, la teneur en sucre des boissons comme le Fanta ou le Sprite varie énormément d'un pays à l'autre. Des différences liées aux variations d'imposition. Selon Nadine Masshardt, les recettes d'une taxe sur le sucre devraient être affectées à la prévention et à la promotion de la santé.

La conseillère nationale des Vert-e-s, Manuela Weichelt, plaide également en faveur d'une taxe sur le sucre. Elle est présidente de l'Alliance alimentation et santé, dont font partie des organisations telles que l'Association des pédiatres, la Ligue contre le cancer ou la Fondation du cœur. L'Alliance alimentation et santé demande par ailleurs l'interdiction des aliments pour bébés contenant du sucre ajouté et la limitation de la teneur en sucre des aliments destinés spécifiquement aux enfants.

Manuela Weichelt critique vivement la politique suisse en matière de sucre. «Il est schizophrénique de subventionner la production de sucre alors que, dans le même temps, près d'un enfant sur six en Suisse est en surpoids», dit-elle. Ce qui la dérange particulièrement, c'est qu'«en payant le sucre avec l'argent de nos impôts, nous réduisons artificiellement le prix de Red Bull et autres».

Une consommation de sucre deux fois plus élevée que recommandée

En Suisse, une personne consomme en moyenne un peu plus de 100 grammes de sucre par jour, pur ou ajouté. L'Organisation mondiale de la santé recommande de ne pas en consommer plus de 50 grammes. Dans le meilleur des cas, elle ne devrait même pas en consommer plus de 25. Nous consommons donc quatre fois plus de sucre qu'il ne le faudrait, ce qui n'est pas sans conséquences.

Il est bien connu que l'excès de sucreries peut entraîner des caries, l'obésité et le diabète. Mais selon des études, une consommation excessive de sucre peut également augmenter le risque de souffrir de la goutte, de problèmes cardiovasculaires, de démence ou encore – conséquence indirecte de l'obésité – de cancer. Selon les chercheurs, les effets sur les vaisseaux sanguins sont aussi graves que ceux du tabagisme régulier.

Le consentement augmente

En dépit de ces faits, le camp bourgeois ne voit pas la nécessité d'agir. D'une part, chacun est responsable de lui-même, et il faut, d'autre part, miser sur l'éducation, qui relève de la responsabilité des cantons, estime le conseiller national PLR Philippe Nantermod: «La Confédération ne devrait pas s'immiscer davantage dans ce qui arrive dans nos assiettes.» Ou bien dans ce cas-ci, dans nos verres.

Les réticences à l'égard d'une meilleure régulation de la consommation de sucre n'émergent pas seulement du monde politique, mais aussi de la population. Un sondage annuel de l'institut de sondage GFS Berne a révélé que seul un bon tiers de la population serait favorable à une taxe sur les boissons sucrées.

Toutefois, le pourcentage de personnes favorables a augmenté de 10% par rapport à l'année dernière. De plus, le nombre de personnes approuvant l'affirmation selon laquelle le sucre est dangereux pour la santé et doit donc être limité par l'État n'a jamais été aussi élevé au cours des sept dernières années. Avec 56%, ce chiffre dépasse pour la première fois la moitié de la population. Il semble donc que les choses bougent au sein de la Suisse. Les politiques suivront-ils le mouvement?

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