«Niveau bouffe, nous avons une consommation plutôt frugale et éco-responsable. Et, comme nous sommes une famille nombreuse, c'est toujours très organisé», m’explique Léa*, 38 ans, en me cuisinant une jolie tartine de champignons.
Cette Genevoise, juriste de formation et indépendante dans le secteur de l'accompagnement de PME, a accepté pour Blick de se prêter au jeu du scanner de budget bouffe: une plongée dans les relevés de compte et les tickets de caisse pour vérifier combien dépensent les Suisses pour se nourrir, et comment, en ces temps d'inflation galopante. Rappelons qu'en 2022, le renchérissement en Suisse a été de +2,8%.
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Des revenus confortables, mais peu de dépenses de bouffe
Léa est mariée à Alban*. Le couple a quatre enfants: une fille et trois garçons de 9, 6 et 4 ans, et 18 mois. Ingénieur de formation, Alban a repris des études de médecine après leur mariage. Il finalise aujourd’hui sa dernière année d’internat en chirurgie. C’est donc Léa qui a longtemps porté financièrement la famille.
Postes de revenus ou de dépenses | Montants |
Salaire mensuel du couple | 16'000 francs |
Charges fixes (loyer, assurances, voiture, garde des enfants…) | 9000 francs |
Alimentation, dont: | 1010 francs |
Courses en France | 500 francs |
Marché | 280 francs |
Coop | 80 francs |
Restaurant | 150 francs |
Avec environ 1000 francs d'alimentation par mois, le couple dépense environ 6% de ses revenus. Pour un foyer de 6 personnes, c'est très peu, en tout cas en dessous des moyennes constatées (8% selon Vaudfamille, 6,5% pour une personne seule selon l'Office fédéral de la statistique).
S'ils dépensent peu, c'est parce que Léa et Alban cuisinent tout eux-mêmes et n'achètent pratiquement que des produits bruts. Ils ne sortent que rarement au restaurant, et leurs enfants ne vont pas à la cantine. Examinons leurs placards.
Des courses au marché (un peu) et en France (beaucoup)
Une fois par mois, c’est la même histoire. Léa dépense 500 euros (environ 500 francs) de courses alimentaires pour faire un gros plein de denrées lors d'une expédition en drive dans un supermarché à la frontière française. Avec une famille de quatre enfants, c'est compliqué de faire ses courses uniquement à Genève, explique-t-elle.
Elle met dans son caddie quelques tranches de jambon, des lardons qui lui serviront pour cuisiner, et beaucoup, beaucoup de yogourts. Mais Léa a décidé de les faire elle-même désormais: c’est «plus écologique, plus responsable», et moins cher. Même chose pour le pain.
Le reste, ce sont surtout des produits bruts: beaucoup de lait et de fromage, du beurre, des œufs, de la farine, du sucre… Léa utilise tout cela pour ses quiches et gâteaux (elle achète quand même de la pâte feuilletée toute prête) et également pour préparer avec son mari des recettes végé de Yotam Ottolenghi, «[leur] dieu», m'explique-t-elle en me montrant l'un des ouvrages du chef anglo-israélien.
Léa consacre en outre 280 francs par mois à l'achat de fruits et légumes achetés à un producteur du coin au marché de Plainpalais. Elle y ajoute un réassortiment hebdomadaire de produits frais de la Coop voisine, pour 80 francs par mois.
Système D pour les céréales, et peu de viande
Toute cette cuisine home-made lui permet de sérieuses économies. Elle a ainsi remplacé les céréales des enfants par des flocons d'avoine quatre fois moins chers au kilo. «Avec 4 enfants, un paquet de céréales classiques ne tiendrait qu’une journée. Les flocons d’avoine sont moins chers tout en étant plus sains». Pour éviter la lassitude de sa progéniture, elle les agrémente de petites décorations pour cupcakes, différentes chaque jour.
La viande et le poisson, des produits très chers et pas très durables, sont consommés en modestes quantités. «La dernière fois que j’ai acheté de la viande, c’était en août, on revenait d’Aubrac. J’ai tout congelé». Les enfants n'en mangent «qu'une fois par semaine». Lors des repas familiaux, c’est environ «une fois toutes les trois semaines».
Tupperwares pour tout le monde
Voilà pour les repas pris à la maison. Mais Léa réalise encore davantage d'économies en limitant les repas pris à l'extérieur. Le midi, dans cette famille, c’est lunch box pour tout le monde. «Les enfants ne vont plus à la cantine, car ils n’y mangent pas bien et tout partait à la poubelle. Le gaspi: c’est non!».
Alban emmène lui aussi sa lunch box à l'hôpital à Lausanne. Quant à Léa, qui bosse depuis la maison, elle ne mange jamais dehors. Tout au plus s'offre-t-elle «un sandwich une fois par mois».
Le couple s'autorise quand même un resto par mois «au maximum», sans les enfants, évalué à 150 francs. Une fois par an, autour des fêtes, chaque enfant a aussi droit à un moment pour lui, avec une sortie au restaurant accompagné de ses deux parents. Et même en vacances, la famille privilégie les locations avec cuisine ou choisit d’être logée dans la famille pour pouvoir cuisiner ses propres repas.
Vélo, voiture d'occasion, vêtements achetés et revendus sur Vinted… Par conviction, cette famille vit plutôt sobrement malgré des revenus confortables. «Pour nous, c'est important de ne pas être dans la surconsommation, y compris en ce qui concerne la nourriture», conclut Léa.
* Les prénoms ont été modifiés