Le Conseil fédéral a eu le droit à un plat inhabituel à son menu: de la nourriture pour bébé. Enfin, pas littéralement. L'exécutif a, en revanche, bien été amené à traiter cette question essentielle. La conseillère nationale des Vert-e-s Manuela Weichelt en a fait un sujet d'intervention. Le Conseil fédéral en a pris connaissance, conscient de son devoir. Il y ajoute maintenant son grain de sel.
Mais reprenons depuis le début. Dans les faits, le lait maternel serait le produit le plus sain pour les nourrissons. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande d'allaiter exclusivement les bébés pendant les quatre à six premiers mois. Pourtant, selon l'OMS, cette option concerne moins de la moitié des cas.
Pour que davantage de mères choisissent le sein plutôt que les aliments pour bébés vendus en magasin, des restrictions publicitaires sont en vigueur en Suisse. Elles concernent ce que l'on appelle les préparations pour nourrissons. Il s'agit d'aliments industriels que les bébés peuvent consommer jusqu'à l'âge de six mois.
Voici comment les entreprises trichent
Les fabricants de ces aliments pour bébés n'ont pas le droit de diffuser des publicités qui incitent directement à l'achat. Il existe toutefois des entreprises qui trichent. En effet, un produit pour bébé n'est pas soumis à l'interdiction de publicité: les laits ou préparations «de suite», aussi appelés «deuxième âge». Les parents peuvent les donner à leur nourrisson à partir de six mois.
Les entreprises opèrent donc de façon suivante: elles emballent les laits deuxième âge de manière quasiment identique aux préparations pour nourrissons. Les couleurs, les images et les textes sont à ce point similaires qu'ils créent un effet publicitaire... pour un produit soumis à une interdiction de publicité.
La Confédération est consciente de cette pratique. Elle a ainsi ordonné que les emballages puissent se distinguer clairement les uns des autres. Mais les fabricants ne s'y conforment pas suffisamment – et c'est là que la conseillère nationale Manuela Weichelt entre en jeu. Elle est également présidente de l'Alliance Nutrition et Santé.
Dans une motion, la politicienne verte demande au gouvernement national d'étendre les restrictions de publicité aux laits deuxième âge. «La teneur en sucre de ces aliments nuit aux enfants», dit-elle. Selon elle, un enfant sur six est déjà en surpoids et le sucre ajouté est en partie responsable d'un risque accru de troubles cardiovasculaires et métaboliques.
Une autre tournée de bouillie pour bébé ?
Dans sa prise de position sur l'intervention de Manuela Weichelt, le Conseil fédéral reconnaît le problème. Il y aurait toujours des divergences d'opinion entre la Confédération, l'industrie et le commerce concernant les critères de distinction exigés. Le gouvernement national estime même que les questions de délimitation peuvent être résolues par une interdiction de la publicité pour le lait deuxième âge. Et pourtant, le Conseil fédéral rejette la motion.
Pour justifier sa position, il renvoie à l'UE. Une telle interdiction n'y est pas en vigueur et comme la Suisse importe une grande partie des laits deuxième âge, cela entraînerait des complications. En conséquence, les prix des produits augmenteraient en Suisse. Pour éviter cela, le gouvernement veut élaborer des directives concrètes d'ici mi-2024. Elles devraient indiquer à partir de quand un fabricant enfreint la loi. Si ces directives n'étaient pas efficaces, il faudrait envisager «des mesures supplémentaires».
Le rejet de la motion est une décision contradictoire pour Manuela Weichelt. Mais elle annonce qu'elle attendra les résultats à la mi-2024. En cas d'échec des mesures, elle entend redéposer la même motion si le Parlement n'a pas encore traité l'intervention. Le Conseil fédéral aurait alors droit à une deuxième tournée de bouillie pour bébé.