La capitale vaudoise a-t-elle mal à ses institutions culturelles de prestige? Après le Béjart Ballet, c’est au tour de l’Orchestre de Chambre de Lausanne (OCL) d’accuser un sérieux déficit, a appris Blick. Selon différentes sources qui se recoupent, la douloureuse avoisinerait «le million de francs».
Ce n’est pas tout. Alors que Dominque Meyer — âgé de 69 ans et jusque-là surintendant de la Scala de Milan — a été nommé directeur exécutif en remplacement de son prédécesseur parti sans grand bruit à la fin du mois d’avril «pour raisons personnelles», une petite musique lancinante décrit une situation beaucoup plus tumultueuse en coulisses. Avec, au centre des dissonances, Renaud Capuçon.
Posons le décor. Avant d’être le directeur artistique de l’OCL depuis 2021, le violoniste français Renaud Capuçon est l’un des solistes les plus demandés au monde. Il a joué avec les orchestres les plus réputés, tels que le Berliner Philharmoniker, le Boston Symphony Orchestra, l’Orchestre de Chambre d’Europe, la Filarmonica della Scala, le London Symphony Orchestra ou encore l’Orchestre de Paris.
Celui qui enseigne par ailleurs à la Haute École de musique de Lausanne (HEMU) depuis 2014 est une figure bien connue du grand public. Marié à la journaliste Laurence Ferrari, le virtuose a plusieurs fois été décoré par les autorités, jusqu’à sa promotion au rang de chevalier de la Légion d’honneur en 2016 par le chef d’État français d’alors François Hollande.
Des projets jugés «hors sol»
Qu'est-il reproché à ce musicien d’exception? Des voix décrivent un artiste à qui il serait impossible de dire non. Le million de francs de déficit, ce serait lui et «ses projets dispendieux, hors sol»… Incapable de le contenir, l’ancien directeur exécutif en aurait fait les frais, murmure-t-on encore.
Blick a soumis ces assertions à Edgar Philippin, président du conseil de fondation de l’OCL, fondé en 1942 par le grand chef d'orchestre Victor Desarzens. L’avocat à la ville tient d’abord «à tordre le cou» à tous les griefs visant Renaud Capuçon: «Avoir ce musicien hors pair, c’est une chance absolue pour l’OCL, appuie-t-il. Comme c’est l’un des meilleurs violonistes au monde, il assure un rayonnement important à l’orchestre.»
L’homme de loi poursuit sa plaidoirie: «Pour l’avoir fait, je vous certifie que c’est tout à fait possible de lui dire non. Je suis en contact avec lui de manière extrêmement régulière, souvent tôt le matin d’ailleurs. Il est bosseur, très rigoureux et à l’écoute. Il n’y a pas l’ombre d’un problème avec lui. Je pense que c’est même tout l’inverse: c’est un homme qui a en permanence l’intérêt de l’orchestre à l’esprit. En outre, et je suis catégorique: il n’y a aucune dépense somptuaire liée à des projets estampillés Renaud Capuçon. En réalité, c’est même lui qui nous amène des financements via son carnet d’adresses.»
Un déficit «maîtrisé»
Venons-en au cœur du sujet maintenant: «le million de francs» manquant. Le président du conseil de fondation chapeautant l’OCL, qui compte un budget annuel de 12 millions de francs — dont les 70% proviennent de la Ville de Lausanne notamment représenté au conseil de fondation par son syndic Grégoire Junod, du Canton de Vaud, des Communes de l’agglomération et de la Loterie Romande — confirme à Blick «une perte opérationnelle significative pour la saison 2022-2023». Sans la chiffrer avec précision, il concède qu’elle est «proche de celle évoquée».
«Cet exercice a été passablement marqué par des frais extras-budgétaires, mais ceux-ci ont été entièrement couverts par les réserves de la fondation constituées à cet effet», rassure-t-il. De quoi parle-t-on exactement? «De dépenses de marketing pas forcément planifiées, mais aussi des projets reportés, de frais de remplacements et des frais administratifs mal évalués, liste avec transparence Edgar Philippin. C’est l’accumulation de petites choses qui, finalement, font une somme importante.»
Le président affirme que toutes les mesures ont été prises par le conseil de fondation dès qu’il a eu connaissance de ces difficultés. «Nous n’avons pas eu une totale marge de manœuvre dans l’immédiat pour redresser la barre, puisque des dépenses avaient déjà été engagées pour la saison 2023-2024, développe-t-il. Par conséquent, cette dernière se soldera aussi par un déficit, mais dont l’ampleur sera bien inférieure au précédent. Désormais, j’en témoigne, tout est maîtrisé.»
Le spécialiste en droit des sociétés répète que «cette situation est tout à fait temporaire». Il insiste: «Elle ne reflète en tout cas pas le succès qu’a l’orchestre auprès de son public. Depuis trois saisons, nous avons augmenté de 50% nos abonnés et nos concerts affichent complets.» Et d'anticiper: «Si votre question ultime est de savoir si l’avenir de l’OCL est menacé, la réponse est non, bien au contraire.»