Les personnes bien formées auraient l'embarras du choix sur le marché du travail: grâce à la pénurie de main-d'œuvre qualifiée, la marge de négociation est grande en matière de salaire, de vacances et de modèles de travail flexibles. Ce message, qu'il soit vrai ou faux, semble avoir été entendu par les Suisses. Ils se lassent de la formation continue!
«On se dit qu'on est tellement recherché qu'on n'a même pas besoin de suivre une formation continue, qu'on peut se reposer un peu», résume Matthias Rüegg. Il est le recteur de la Hochschule für Wirtschaft Zürich (HWZ), la plus grande école supérieure du pays, proposant exclusivement des cursus en cours d'emploi dans le domaine de l'économie. Cela se ressent dans les chiffres: en 2022, par exemple, environ 200 personnes de moins que les autres années suivaient une formation à la HWZ. Cela correspond à une perte d'étudiants de 10%.
«La formation continue n'est pas un sprint, mais une course d'endurance»
Le Covid-19 a également contribué à cette situation: après la fin de la pandémie, nombreux sont ceux qui ont voulu rattraper leurs vacances au lieu de retourner sur les bancs de l'école.
«Cette tendance est dangereuse», avertit Matthias Rüegg. «La formation continue n'est pas un sprint, mais une course d'endurance: il faut suivre les évolutions du monde du travail et rester dans l'air du temps.» Les formations continues pourraient justement aider les personnes de plus de 50 ans à rester adaptées au marché du travail. Avec le ralentissement conjoncturel et les premières vagues de licenciements, les travailleurs âgés sont les premiers à en faire les frais. La guillotine de l'âge sur le marché du travail suisse est revenue en force.
Un diplôme pour 100'000 francs
Seraient-ils aidés s'ils obtenaient un certificat d'études avancées (CAS) à la HWZ pour 10'000 francs? On peut en douter. «Il règne une véritable folie des certificats, de nouveaux titres et possibilités de formation continue sont créés en permanence», critique Heidi Joos, directrice de l'association Avenir 50 Plus, qui défend les intérêts des chômeurs âgés, des chômeurs en fin de droit et des bénéficiaires de l'aide sociale. «Les travailleurs âgés ont très rarement l'un de ces nouveaux titres, ce qui ne signifie pas pour autant qu'ils n'ont pas les compétences nécessaires.» Mais ils n'ont pas le label de qualité CAS, MAS (Master en études avancées) ou autre certificat très valorisé.
On peut donc soupçonner que ces formations continues onéreuses servent surtout à faire des bénéfices. Pour la HWZ, l'Université de Saint-Gall et d'autres institutions de formation, elles sont plus lucratives que les cursus de bachelor et de master traditionnels. Pour un MAS, à ne pas confondre avec un master traditionnel, il faut rapidement débourser 30'000 francs. Un MBA – un Master of Business Administration, une formation académique en management – peut même coûter plus de 100'000 francs selon l'établissement.
Le recteur de la HWZ, Matthias Rüegg, rétorque que la formation continue fait partie intégrante de l'époque actuelle. «Si quelqu'un de plus de 50 ans n'a aucune formation continue à présenter, le recruteur s'inquiète.»
Le spectre de la surqualification
De nombreuses personnes de plus de 50 ans concernées n'entendent toutefois pas, en cas de refus, qu'elles manquent d'une formation continue – bien au contraire, elles sont même surqualifiées! Une offre de formation continue coûteuse pourrait-elle même se retourner contre eux? «Honnêtement, j'ai le sentiment que cet argument est plutôt avancé parce qu'il est plus agréable à entendre» estime Matthias Rüegg. «Il est beaucoup plus probable que les gens n'aient pas les bonnes qualifications.» Car les employeurs suisses continuent de voir d'un mauvais œil les personnes qui changent de voie, pénurie de main-d'œuvre qualifiée ou pas.
En attendant, la supposée paresse vis-à-vis de la formation continue semble être de l'histoire ancienne: à la HWZ, les inscriptions augmentent à nouveau depuis fin 2023. Particulièrement apprécié, le nouveau CAS en Management d'IA. Coût: 9500 francs.