Stress, fatigue et horaires difficiles
La Suisse manque de chauffeurs de bus et de tram

Des journées à rallonge, le trafic dense et le stress agacent le personnel des transports publics. De nombreux chauffeurs démissionnent, au point où certaines villes sont maintenant obligées de recruter à l'étranger.
Publié: 18.02.2024 à 08:13 heures
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La pression sur les chauffeurs ne cesse d'augmenter, déclare Micha Amstad du syndicat des services publics (SSP).
Photo: Keystone
Andreas Schmid

Bien que les chauffeurs de tram et de bus de nombreuses entreprises de transport aient désormais le droit d'écouter de la musique, l'atmosphère dans la cabine du conducteur est rarement enjouée.

Une morosité due au stress, qui ne règne pas seulement aux heures de pointe: les conducteurs et conductrices sont énormément sollicités par les embouteillages, les bus bondés, des horaires exigeants ou encore des piétons qui traversent négligemment la rue, les yeux rivés sur le téléphone.

Des journées de travail pouvant durer jusqu'à 13 heures

La pression sur les chauffeurs ne cesse d'augmenter, déclare Micha Amstad du syndicat des services publics (SSP). «Les burnouts et les soucis de santé se multiplient», les chauffeurs se plaignent de problèmes de dos, d'états d'épuisement et de troubles du sommeil.
De plus, leur charge de travail augmente, car certaines entreprises sont en sous-effectif. Micha Amstad évoque les longues journées de travail, pouvant aller jusqu'à 13 heures. A Zurich, par exemple, où 70% des employés n'habitent pas en ville et ont de longs trajets à faire, les journées sont particulièrement éprouvantes. N'ayant pas assez de temps de pause chez eux, il est difficile pour les chauffeurs de concilier la vie professionnelle et la vie privée.

Le syndicaliste mentionne des études statistiques allemandes qui montrent que les accidents se multiplient à la fin des longues missions.

La loi autorise des missions allant jusqu'à 14 heures d'affilée, rappelle Sämi Deubelbeiss des transports publics de Lucerne. Son entreprise essaie toutefois de raccourcir la durée des jours de service, la plupart des missions durent moins de onze heures et demie. «Malgré tout, nous voyons ici encore un potentiel pour décharger le personnel du service de conduite», car la charge de travail a effectivement augmenté et les absences pour cause de maladie atteignent «un niveau record».

Un manque cruel d'effectif

A Lucerne aussi, il manquait des chauffeurs pour l'exploitation des lignes de bus. Pour pourvoir les postes, les entreprises de transports publics sont allées loin. Sämi Deubelbeiss souligne que la recherche ne se fait pas uniquement au niveau régional et national. «Nous sommes en outre chaque mois en Allemagne pour des journées de recrutement et cherchons à mettre en place une collaboration avec un prestataire de services du personnel allemand.»

Depuis l'été 2013, 25 conducteurs et conductrices de bus allemands ont pu être engagés. L'entreprise en a trouvé 25 autres dans la région, de sorte qu'une ligne de bus fermée entre-temps pourra bientôt être remise en service.
Les Transports publics zurichois (VBZ) prévoient des nouveautés dans la formation afin de combler les lacunes en matière de personnel. D'une part, les classes sont plus nombreuses et, d'autre part, l'entreprise souhaite acquérir un simulateur de tram: «Celui-ci doit être configuré pour les besoins des VBZ et mis en service en 2026», explique la porte-parole Daniela Tobler.

Les VBZ tentent en outre d'attirer les personnes de plus de 50 ans à l'aide d'affiches, d'annonces, de publicités numériques et sur les réseaux sociaux. «L'action a non seulement suscité un grand intérêt», mais aussi de nombreuses candidatures, déclare Daniela Tobler.

Il manque actuellement «un nombre à deux chiffres» aux quelque 1700 employés du service des transports, constate Daniela Tobler. Cela ne semble pas dramatique, mais l'entreprise a dû suspendre temporairement une ligne de tram et réduire les horaires des lignes, notamment en raison d'absences pour cause de maladie. Parallèlement, la politique zurichoise exige que les trams et les bus circulent sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Même si une telle extension est improbable à court terme, l'entreprise devra à l'avenir former davantage de personnel pour le service de transport.

Vers des horaires mieux respectés?

Entre-temps, les VBZ ont réduit les temps de mission pour leur personnel. Depuis le changement d'horaire en décembre, aucun service ne dépasse 13 heures, souligne Daniela Tobler. De plus, les conducteurs et conductrices disposent de possibilités de se restaurer dans tous les lieux de séjour. Les défis liés au travail de nuit et du dimanche demeurent toutefois.

Les transports publics zurichois s'autofinancent à 80%; le renchérissement, les taux d'intérêt plus élevés et les prix de l'énergie augmentent les coûts. Et le fait que les prix des billets s'envolent alors que l'offre n'est pas maintenue partout fait grincer des dents. Toutefois, la cadence de l'horaire, parfois perturbée, «s'améliorera nettement» au cours de l'année, promet Daniela Tobler.

Situation «maîtrisable» à Bâle

Les Transports publics bâlois (BVB) emploient 225 chauffeurs de tram et de bus venant de pays limitrophes, représentant environ 30% de tous les chauffeurs. La situation en matière de personnel est certes tendue, mais elle est actuellement «maîtrisable», déclare le porte-parole des BVB Matthias Steiger.

Le manque de personnel qualifié se fait sentir et on constate un besoin croissant d'employés supplémentaires dans les cabines de conduite, car les horaires sont de plus en plus denses. Selon Matthias Steiger, le temps de présence maximal dans une équipe est de douze heures à Bâle. «En règle générale, les temps d'intervention sont toutefois moins longs», souligne le porte-parole.

Pas de pénurie à Berne

A Berne, il n'y a pas de pénurie de personnel, affirme Rolf Meyer, porte-parole des transports urbains Bern Mobil. Il n'a donc jamais été question de réduire l'offre. Néanmoins, le recrutement de personnel qualifié est devenu «nettement plus difficile». Rolf Meyer admet que le service de transport est exigeant et qu'il peut parfois être lié à des problèmes de santé. Bern Mobil tient cependant compte de cette situation en proposant des offres préventives, comme par exemple des abonnements gratuits de fitness pour les employés.

Les chauffeurs peuvent choisir de travailler quatre ou cinq jours d'affilée, explique Rolf Meyer. En outre, Bern Mobil vérifie régulièrement si les temps d'attente au terminus sont suffisamment longs pour permettre aux chauffeurs de faire une courte pause.

Les piétons: ce danger croissant

Les piétons et les automobilistes imprudents constituent un problème croissant pour les chauffeurs. Ils provoquent souvent des arrêts d'urgence au cours desquels des passagers se blessent dans les trams et les bus. Rien qu'à Zurich, les statistiques de l'année dernière font état de 340 accidents de freinage avec des blessés. Dans 67 cas, des bus sont entrés en collision avec des piétons.

En dehors des villes, la situation est plus calme. Les entreprises de transport y parviennent plus facilement à couvrir leurs besoins en personnel. Les syndicats constatent toutefois que les entreprises privées de transport et de cars deviennent de plus en plus concurrentes des entreprises de transports publics. Entre autres parce qu'elles peuvent proposer des horaires de travail réguliers sans service posté.

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