L’ambiance est à la fois lourde et tranquille, ce jeudi dans la petite ruelle pavée du centre de Lutry (VD). Au soleil, les passants flânent dans le bourg de la commune vaudoise au bord du Léman, et les curieux guignent à la fenêtre de la bijouterie. La veille, un cambrioleur braquait le commerce à main armée, blessant la vendeuse de 44 ans.
Des policiers, en civil ou en uniforme, patrouillent régulièrement et discutent avec le voisinage. À part l’affichette collée sur la porte, qui annonce deux jours de fermeture, rien ne laisse imaginer la violence qui a déchiré les lieux, mercredi en fin d’après-midi.
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«L’employée avait le flingue sur la tempe, mais elle ne s’est pas laissée faire», peut-on entendre sur la terrasse d’un café, proche des lieux. «C’est la troisième fois que ça arrive dans cette bijouterie, lâche ce client sous un parasol. Le cambrioleur est passé deux fois. Il a d’abord été dérangé par les clients, avant de réussir son coup.»
Hommage à son employée
Le voleur, toujours recherché par la police, fait l’objet d’un appel à témoin, diffusé ce jeudi matin par la police vaudoise. Il a dérobé plusieurs plateaux de bijoux, pour une valeur avoisinant les 150’000 francs, estime au téléphone Henry Kramer, le patron des lieux. «Je suis reconnaissant qu’il n’y a pas eu trop de dégâts humains. Le reste, ce n’est que du matériel», relativise le gérant de la bijouterie, qui peine à masquer sa colère.
«Je veux rendre hommage à mon employée, qui a été exceptionnelle, continue le bijoutier. Elle a fait preuve d’une loyauté et d’une bravoure sans faille. Elle n’a pas accepté de se coucher ou de se mettre à genoux, ce qui a sans doute déstabilisé le voleur.» La quadragénaire et le reste de l’équipe de la bijouterie sont sous le choc et refusent pour le moment de s’exprimer.
Le brigand, lui, s'est enfui au volant d’une petite voiture rouge. Revenons donc sur le déroulé des événements, en compagnie des témoins. Commerçants, clients, passants: tous préfèrent rester anonymes. Lutry est un petit village…
«Arrête de crier, sinon je te bute!»
À quelques pas de là, un habitué était tranquillement assis dans un magasin lorsque les faits se sont déroulés sous ses yeux. Blick l’a joint par téléphone: «Je suis sorti, car j’ai entendu la vendeuse hurler. J’ai d’abord cru à une bagarre.»
La bijoutière appelle à l’aide, tantôt son patron, assis dans le tea-room voisin, tantôt la police. «Puis j’ai vu le gars sortir une arme et menacer la commerçante, qui essayait de l’empêcher de partir avec son butin», continue ce témoin de premier ordre. En sortant son pistolet, il lui a gueulé 'T’arrêtes de crier, sinon je te bute!'».
Le criminel plaque violemment la vendeuse au sol, pour mettre fin à sa résistance, puis prend la fuite. Mallette remplie d’or et d’argent dans une main, pistolet dans l’autre. Tout cela n’a duré que quelques secondes.
Vraie ou fausse arme?
Une échappée que raconte un commerçant, établi plus loin dans la ruelle: «J’ai entendu crier 'Police!' et je suis sorti dans la rue. En fuyant, le gars nous mettait en joue, sans doute pour éviter qu’on lui saute dessus.» Mais ce boutiquier ne se plaint pas. «La vraie victime, c’est la bijoutière», rappelle-t-il. L’usage d’une arme à feu dans ce petit village interpelle. «La police m’a demandé si c’était un vrai, raconte le client de la boutique voisine. Mais je peux vous dire que dans ce genre de cas, on ne se pose pas la question et on ne va pas vérifier.
«L’idée d’une arme à feu dans cette petite ruelle me fait peur», s’inquiète une restauratrice voisine. Son collègue rebondit: «Forcément qu’une petite bijouterie dans un bourg comme Lutry, d’où on a vite fait de décamper, c’est une cible facile.» Du côté de l’enquête, le Ministère public vaudois ne donne pas plus d’informations. L’appel à témoin est toujours en cours. Le bijoutier, lui, a déposé plainte contre X et attend des nouvelles des assurances. La vie reprend son cours dans la petite commune vaudoise. Seules restent les discussions, tantôt fascinées, tantôt soucieuses.