Introduite en 1934 en tant que taxe pour pallier à la situation de crise de l'époque, la valeur locative est impopulaire. Jusqu'à présent, toutes les tentatives pour se débarrasser de ce montant fictif – sur lequel les propriétaires de logements sont imposés car cela compte comme un revenu – ont pourtant échoué. Cette semaine, la Commission de l'économie du Conseil des Etats (CER-E) a toutefois annoncé que l'abolition de la valeur locative était «dans la dernière ligne droite».
Une majorité des représentants des cantons compétents se sont prononcés en faveur d'un «changement complet de système», allant ainsi dans le sens du Conseil national. Auparavant, le Conseil des Etats avait plaidé pour le maintien de la valeur locative pour les résidences secondaires afin d'éviter des pertes fiscales pour les cantons qui dépendent du tourisme.
La question de la déduction des intérêts passifs est également controversée. Pour rappel, afin de calculer le revenu imposable, la déduction maximale des intérêts passifs autorisée équivaut au rendement de la fortune privée imposable, majoré de 50'000 francs. A ce propos, une solution de compromis se dessine et va dans le sens du Conseil national.
La puissante Société suisse des propriétaires fonciers (HEV) n'est certes pas entièrement satisfaite de la mesure, mais il est difficilement imaginable qu'elle mette en péril l'ensemble du projet, puisqu'elle l'attend depuis des années.
Les cantons alpins font barrage
Du côté des opposants, l'association des locataires en Suisse allemande (MV) est fondamentalement «sceptique» quant à la suppression de la valeur locative en raison des pertes de recettes qu'elle craint, mais la situation ne serait pas si mauvaise non plus.
Michael Töngi des Vert-e-s, qui est conseiller national et vice-président de MV, répond en effet à une question de Blick en ces termes: «La variante présentée justifierait certainement moins le soutien à un référendum, en comparaison à d'autres propositions impliquant des pertes beaucoup plus importantes.»
Les chances d'abolir la valeur locative semblent donc intactes du côté de la gauche. Mais la résistance vient d'ailleurs: les cantons, en particulier ceux qui possèdent de nombreux logements de vacances, craignent des pertes fiscales et se sont donc opposés dès le départ à l'abolition de la valeur locative.
La Conférence gouvernementale des cantons alpins (CGCA), dont font partie Uri, Obwald, Nidwald, Glaris, Appenzell Rhodes-Intérieures, les Grisons, le Tessin et le Valais, a affirmé en janvier 2024 dans une lettre adressée à la Commission de l'économie du Conseil national qu'il fallait «impérativement s'en tenir au système actuel».
La CGCA n'a laissé une porte ouverte qu'à la proposition initiale du Conseil des Etats, qui voulait maintenir l'imposition de la valeur locative pour les résidences secondaires: celle-ci pourrait être acceptée comme une «solution de secours».
Une mesure «contraire aux principes constitutionnels»
Mais désormais, cette «solution de secours» n'est même plus d'actualité. A la place, il est prévu d'introduire un «impôt sur l'objet» pour les résidences secondaires, comme possibilité de compensation pour les pertes fiscales.
A la consultation du début de l'année sur la mesure, les cantons alpins ont annoncé n'avoir pas apprécié cette variante, la qualifiant de «très discutable» et «contraire aux principes constitutionnels actuels de l'universalité, de l'uniformité et de l'imposition selon la capacité économique».
Les cantons alpins appelleront-ils donc à la résistance si le Parlement va jusqu'au bout de l'abolition de la valeur locative?
Le système actuel a fait ses preuves, selon les opposants
Carmelia Maissen, conseillère d'Etat grisonne et présidente de la CGCA, ne souhaite pas encore se prononcer sur la question. Les cantons alpins se réuniront la semaine prochaine à Altdorf dans le canton d'Uri pour discuter du projet et de la suite des opérations.
Un bref sondage de Blick auprès des différents cantons alpins montre cependant que le scepticisme est encore grand.
Obwald, par exemple, voit «de manière très critique» un changement de système avec l'introduction d'un impôt sur l'objet. En Suisse orientale, le son de cloche est le même. Ruedi Eberle de l'UDC, trésorier à Appenzell Rhodes-Intérieures, est catégorique: «Nous maintenons notre position actuelle et refusons un changement pour l'imposition des propriétaires.» Selon lui, ce système a fait ses preuves.