L’armée a une nouvelle mission. Et cette fois, il ne s’agit ni d’armes, ni d’avions, ni de munitions. Et pourtant, le métal reste au cœur de la commande. L’armée suisse prévoit en effet l’achat massif… de boîtes de raviolis.
Selon un appel d’offres publié sur la plateforme d’approvisionnement de la Confédération, un producteur est recherché pour livrer plus de 54’000 boîtes de raviolis prêts à consommer entre 2026 et 2027. Objectif: ravitailler les troupes avec ce classique bien connu du service militaire helvétique.
L'armée carbure à la conserve
Rien que l’année dernière, les troupes suisses ont consommé 64 tonnes de raviolis, soit 175 kilos par jour, selon Armasuisse. Un ravitaillement assuré jusqu’ici par Hilcona pour un prix gardé confidentiel.
Mais pourquoi un tel engouement pour ce grand classique en boîte? «Les raviolis font en premier lieu partie de la stratégie de stockage», répond l’armée. Leur longue durée de conservation et leur simplicité de préparation, dans une gamelle ou sur un réchaud d’urgence, en font un allié de choix sur le terrain.
Au-delà du mythe culinaire, la ration est aussi pensée pour son «ravitaillement adapté au temps et à l'usage»: le produit actuel affiche 22% de protéines, 16% d’hydrates de carbone et 9% de graisses. Une combinaison qui «contribue efficacement à couvrir les besoins énergétiques des militaires», souligne-t-on à l’armée.
De l'armée à l'armoire de cuisine
Ce n’est pas uniquement une question de prix: pour décrocher le contrat, les futurs fournisseurs de raviolis devront aussi séduire… les papilles de l’armée. Les entreprises intéressées doivent ainsi envoyer au moins six boîtes à l'armée pour permettre un contrôle qualité.
Les raviolis en boîte ne sont pas nés d’hier. Leur première apparition remonte à la Première Guerre mondiale, où ils servaient de nourriture de front pour les soldats italiens. En Suisse, la conserve s’est imposée dans les années 1940, dans les armoires militaires… mais aussi dans les cuisines familiales, où elle a souvent été le repas de secours par excellence.
Une émission télé a failli enterrer les raviolis
Le succès des raviolis en conserve a connu un sérieux coup de frein en 1978. Cette année-là, l’émission alémanique «Kassensturz» diffuse un reportage-choc digne d’un film d’espionnage: des enquêteurs y extraient à mains nues la farce des raviolis… et découvrent des ingrédients peu appétissants, tels que des abats ou même des têtes de porc.
Le choc est immédiat. L’appétit des Suisses s’effondre, tout comme les ventes: le chiffre d’affaires chute de près de moitié. Le fabricant riposte par une vaste campagne de réhabilitation et… une plainte contre les auteurs de l’émission.
Réclamant des millions de francs de dommages et intérêts, il espère faire étouffer l’affaire. Mais la justice donne raison aux journalistes: malgré un ton sensationnaliste, leur enquête reposait sur des expertises solides et professionnelles. L’affaire se conclura finalement à l’amiable.
