Les recrues et les soldats de l'armée suisse ne peuvent pas choisir où, avec qui et quand ils effectuent leur service militaire. Chaque année, près de 12'000 nouveaux engagés se retrouvent ainsi dans des «communautés forcées», où les tensions sont inévitables. Une partie de ces conflits finit sur le bureau de la cellule de confiance de l’armée, créée il y a trois ans.
Blick a reçu les chiffres de ces trois premières années au Département de la défense (DDPS). Ceux-ci montrent l'importance prise par le service. Au moins 800 messages ont été reçus de la part de militaires et de leur entourage. La direction du service de médiation corrige même ce chiffre à la hausse: Il y aurait désormais «près de 850 signalements», et de nombreuses nouvelles demandes auraient été faites ces dernières semaines.
Plus de 4000 actions initiées
Le service est dirigé par Sylvia Schär Hahn et Stefan Junger. Auparavant, Sylvia Schär Hahn avait déjà travaillé au service de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) mais également en tant que médiatrice en Ukraine, après l'annexion de la péninsule de Crimée par la Russie en 2014. De son côté, Stefan Junger était chef de l'aumônerie de l'armée et a particulièrement été sollicité par les soldats pendant la pandémie de Covid-19. «Même en tant que médiateur, il est essentiel de savoir bien écouter», explique-t-il.
L’équipe de direction estime qu'il est difficile de savoir si le nombre de signalements doit inquiéter ou non. «Il est trop tôt pour le dire», explique Stefan Junger. Mais il est clair que chaque annonce provenant de l'armée de milice est positive, car elle permet de résoudre un problème. «C'est tout à l'honneur de l'armée d'avoir créé ce point de contact indépendant», ajoute Sylvia Schär Hahn. Les signalements ont déclenché plus de 4000 «actions» telles que des consultations, des entretiens ou des médiations.
Pas de rapports annuels, pas de statistiques
La composition exacte de ces nombreux rapports n'est pas claire. Le service de médiation n'établit pas de rapport d'activité et il n'existe pas de statistiques sur les problèmes à l'origine des cas. «Nous préférons donner des recommandations concrètes et entretenir le contact plutôt que de produire du papier», explique Stefan Junger. Les militaires s'adressent aux médiateurs pour les raisons les plus diverses: surcharge, difficultés personnelles, difficultés avec les collègues, avec les camarades, avec les supérieurs.
Stefan Junger cite l'exemple d'une incompatibilité entre le service militaire et la vie civile. Si un commandant insiste pour que le militaire suive un cours de répétition alors que son employeur civil exige un report, la personne qui fait du service se retrouve rapidement entre deux fronts. «Dans la plupart des cas, nous pouvons trouver une bonne solution durable avec des services au sein de l'armée, mais aussi en dehors», explique Sylvia Schär Hahn.
Près d’un quart des cas concernent des accusations de harcèlement, brimades, discriminations ou menaces. L'automne dernier, une étude a montré que la discrimination et la violence sexualisée sont très répandues dans l'armée suisse: la moitié des femmes engagées disent avoir subi du harcèlement sexuel et quasiment toutes font face à des propos déplacés.
La mise en lumière des violences genrées n'a rien changé
Pourtant, la cellule de confiance n’a pas constaté de hausse des signalements liés aux violences sexistes depuis la publication de cette étude, malgré l’attention médiatique. «Cela nous a nous-mêmes surpris», reconnaît Stefan Junger.
Le DDPS est satisfait des trois premières années du service de médiation. Les expériences confirment que la création du service de médiation était «juste et importante», explique-t-on au secrétariat général. Selon lui, le nombre de signalements est un gage de qualité pour le service de confiance.