Depuis 2024, les entreprises suisses doivent indiquer dans leurs rapports de durabilité l'impact de leurs activités sur le climat, le bien-être des employés et la population locale. Cela résulte du contre-projet à l'initiative sur la responsabilité des multinationales («Entreprises responsables – pour protéger l'être humain et l'environnement») adopté par le Parlement. Cette initiative a été rejetée fin 2020 lors d'un vote populaire un peu dramatique. Bien que la majorité des Suisse s'est prononcée en sa faveur, l'initiative a échoué à la majorité des cantons.
Mais la saga n'est pas terminée! Une large alliance d'ONG, de syndicats et de politiciens bourgeois fait une deuxième tentative. Ils estiment que le contre-projet est une façon de faire bonne figure, et est bien en deçà des prescriptions en vigueur dans les autres pays européens. En effet, depuis quelques mois, l'Union européenne (UE) applique une directive sur la responsabilité des entreprises qui va au-delà des prescriptions en vigueur en Suisse.
Des mesures actuelles inefficaces
La semaine prochaine, l'alliance lancera la collecte de signatures. Avec un défi de taille: réunir les 100'000 signatures nécessaires en un temps record de 30 jours.
Les initiants demandent notamment la mise en place d'un organe de surveillance, qui puisse infliger de lourdes amendes en cas de violations des droits humains et des normes environnementales. Les entreprises doivent également être soumises à un devoir de diligence correspondant aux normes internationales, comme le fait d'interdire le travail des enfants. Enfin, les personnes concernées doivent pouvoir porter plainte pour les dommages subis.
Le conseiller national soleurois du Centre, Stefan Müller-Altermatt, s'engage dans le comité d'initiative de la «Kovi 2.0». Selon lui, les obligations de rapport décidées par le Parlement il y a quatre ans sont «en grande partie inefficaces». «Davantage de brochures sur papier glacé n'apportent rien.» Pour l'élu, il est nécessaire d'imposer aux groupes des obligations contraignantes contre la pollution de l'environnement et le travail des enfants.
Pour appuyer son argumentaire, Stefan Müller-Altermatt fait référence aux rapports de durabilité de Glencore, société active dans les matières premières basée en Suisse. Depuis des années, le groupe y écrit qu'il n'y a pas de cas de violation de droits humains et de destruction de l'environnement, «bien qu'il soit documenté que les mines de Glencore ont endommagé la nature et chassé la population indigène». Ce n'est que lorsque de tels comportements sont sanctionnés que les groupes s'en éloignent, affirme le député du Centre.
Un manque de transparence des entreprises
Des entreprises actives au niveau international comme Glencore, Syngenta ou Lindt et Sprüngli soulignent dans leurs rapports semestriels 2024 leur attitude responsable envers l'être humain et l'environnement. Pourtant, les diverses populations locales concernées ont une autre version de l'histoire, expliquent les initiants dans leurs documents. Par exemple, une mine de Glencore au Pérou provoque une grave pollution de l'environnement, rendant la population malade et tuant les animaux.
La porte-parole de Glencore, Sarah Antenore, réfute ces accusations: «Nous prenons très au sérieux notre responsabilité envers nos employés, la société et l'environnement.» Celle-ci soutient que Glencore s'efforce de soutenir par ses activités les objectifs de développement durable de l'ONU. L'entreprise de matières premières encouragerait aussi les pratiques commerciales éthiques et responsables.
Contamination de l'eau potable au Costa Rica
L'alliance derrière l'initiative donne également l'exemple de Syngenta, qu'elle accuse de manque de transparence. Le rapport semestriel du groupe d'agrochimie ne mentionne pas les problèmes concrets liés à l'utilisation de pesticides. Pourtant, en 2023, l'eau potable de deux villages au Costa Rica a été tellement contaminée par l'utilisation d'un pesticide de Syngenta que la population a dû être approvisionnée en eau potable par des camions-citernes.
Le porte-parole de Syngenta, Beat Werder, souligne que tous les produits de l'entreprise ont été «testés en termes de sécurité, enregistrés et autorisés» dans les pays importateurs. Syngenta dit s'engager à aider les agriculteurs du monde entier à cultiver leurs plantes de manière productive et durable. Selon le représentant du groupe, la nouvelle initiative part du principe que les entreprises cachent des informations pertinentes. «C'est incorrect», soutient-il. Il reconnaît toutefois que les règles laissent une marge de manœuvre pour la divulgation de leurs pratiques.
Critique de la production de cacao
La coalition reproche aussi au chocolatier Lindt et Sprüngli de tenir de belles paroles plutôt que de prouver ses actes. Le fait que l'entreprise affirme dans son rapport semestriel «éviter autant que possible le travail des enfants» est révélateur pour les initiants.
De même, le fait que Lindt et Sprüngli ait externalisé son programme «Farming» – dont l'objectif est d'empêcher le travail des enfants – à un négociant en matières premières controversé inspire encore moins confiance. Une porte-parole de Lindt et Sprüngli déclare à ce sujet que l'entreprise s'est «engagée à rendre des comptes de manière transparente». La mise en œuvre du programme «Farming», en collaboration avec les fournisseurs, est répertorié dans le rapport de durabilité, tandis que la liste des producteurs de cacao sont présentés de manière transparente sur leur site web.
Mais les initiants du texte ne se contentent pas de cette démarche. Ils veulent des directives contraignantes, et atteindre les 100'000 signatures dans un peu plus d'un mois.